Éditorial

  • Editorial Note

p. 11-12

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Depuis la fin du xixe siècle, les stades ont inscrit leur silhouette dans le paysage urbain. Souvent installés à la périphérie des villes, puis encerclés par l’avancée de l’urbanisation, ils sont devenus des espaces de spectacle où se redéfinissent les identités locales et nationales tout en inventant une nouvelle forme de lieu de mémoire. Mais la ville n’a pas le monopole de l’enceinte sportive. À partir de l’entre-deux-guerres, celle-ci devient un équipement des communes rurales et un lieu de vie et de rencontre pour ceux qui y résident. Qu’il soit stade des villes ou des champs, cet équipement souvent financé par l’argent public a consacré l’hégémonie croissante du football, même s’il est d’abord synonyme de rugby dans le Sud-Ouest français. Ce sixième numéro de Football(s). Histoire, culture, économie, société veut donc revenir sur les fonctions, pratiques et représentations que ces enceintes de bois, de brique, de fer ou de béton occupent et contribuent à produire.

Le stade est d’abord le témoin de l’urbanisation et de la diversification des équipements des communes et prend sa place dans les villes nouvelles comme Belo Horizonte ou les espaces vacants tels que les anciennes fortifications à Paris. Il trouve son origine dans le développement des clubs et l’activité de leurs dirigeants à Marseille (stade de l’Huveaune) et à Madrid (estadios Chamartín et Metropolitano). Sa construction entre aussi dans la politique paternaliste d’entreprises comme la Compagnie des mines de Béthune à Bully-les-Mines. Bien vite, ce sont les municipalités qui le construisent ou le rénovent à l’image du second Parc des Princes à Paris, du stade de la Méditerranée à Béziers ou des terrains des villages du Vaucluse au mitan du xxe siècle. Lorsque le stade est édifié pour accueillir ce qui est aujourd’hui un mega event (Jeux olympiques, Coupe du monde de football), l’État central intervient de concert avec les municipalités dans des projets dont la réalisation se mue en feuilleton à rebondissements à l’exemple du Népstadion de Budapest ou du Stade de France à Saint-Denis. Même si l’on n’hésite pas à le détruire pour mieux le reconstruire, le stade finit par être parfois considéré comme un patrimoine à préserver, ce qui vaut à certaines enceintes prestigieuses comme le stade olympique d’Amsterdam (1928) d’avoir été protégées et rénovées.

Le stade ne s’anime vraiment qu’à l’occasion des matchs même si, dès l’entre-deux-guerres, certaines enceintes sont aussi utilisées pour des manifestations politiques et comme des lieux de rétention. Le temps du match, le stade prend donc vie. Il construit son attractivité autour des rencontres des grands clubs à Belo Horizonte, Béziers, Budapest, Leeds, Madrid, Marseille ou Paris. L’absence d’un club résident peut aussi devenir un handicap autant en termes d’identité que de finances, ce dont souffre toujours le Stade de France de Saint-Denis. La mémoire des stades se construit également autour des grands matchs qu’ils ont accueillis. C’est ainsi le 7-1 infligé par le « onze d’or » magyar à l’équipe nationale anglaise au Népstadion en mai 1954 et qui signe la fin du magistère anglais sur le football mondial. En matière de score fleuve, on peut aussi rappeler le 100 à 0 des rugbymen biterrois face à Montchanin en décembre 1979 dans leur antre de Sauclières. Une « addition » salée et bien ronde qui exprime autant la domination du « grand Béziers » que les écarts de niveau du championnat de première division de rugby à 80 clubs.

Les acteurs du stade ne sont pas seulement les joueurs. Les spectateurs constituent très vite un ingrédient indispensable et actif du spectacle sportif que l’on souhaite autant attirer, fidéliser que contrôler. En « allant au match », on vient rechercher dans la compagnie des tribunes, une sociabilité qui prend des formes diverses allant des pique-niques d’avant-match le long du canal du Midi, à l’expression aussi passionnée que ritualisée d’un sentiment d’appartenance local ou national. Le stade devient alors le théâtre d’un combat autour d’une certaine conception du sport. À partir des années 1980 en Angleterre, les supporters militant pour le maintien de places debout se font les champions d’un football populaire contre un pouvoir politique et des dirigeants de club qui voudraient le mettre au pas, voire le faire disparaître. Dès les années 1920, dans les tribunes, puis sur le terrain, le football est aussi un moyen saisi par les femmes brésiliennes d’affirmer leur présence et leur rôle dans l’espace public.

Fidèle à sa politique éditoriale, Football(s) a voulu faire place dans ce dossier à de jeunes doctorants ou docteurs qui proposent à son lectorat des recherches inédites financées notamment par le programme franco-allemand ANR-DFG ARENES « Arènes du sport – Scènes et fabrique(s) de l’événement sportif », piloté par les universités Marie et Louis Pasteur (Besançon) et de Sarrebruck, en association avec leurs consœurs de Fribourg-en-Brisgau, Limoges, Rouen et Paris I Panthéon-Sorbonne.

References

Bibliographical reference

Paul Dietschy, « Éditorial », Football(s). Histoire, culture, économie, société, 6 | 2025, 11-12.

Electronic reference

Paul Dietschy, « Éditorial », Football(s). Histoire, culture, économie, société [Online], 6 | 2025, . Copyright : Le texte seul, hors citations, est utilisable sous Licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont susceptibles d’être soumis à des autorisations d’usage spécifiques.. URL : https://preo.ube.fr/football-s/index.php?id=884

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Paul Dietschy

Professeur d’histoire contemporaine à l’université Marie et Louis Pasteur

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