Uli Hesse, The Three Lives of The Kaiser. A Biography of Franz Beckenbauer

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Uli Hesse, The Three Lives of The Kaiser. A Biography of Franz Beckenbauer, Londres, Simon & Schuster UK, 2024, 314 p.

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Même le supporteur du Borussia Dortmund qu’est Uli Hesse ne pouvait rester insensible à la mort du Kaiser le 8 janvier 2024. L’auteur de l’excellente histoire du football allemand Tor! The Story of German Football (2002) nous offre donc une biographie actualisée de Franz Beckenbauer. Mais est-ce vraiment une biographie ? Même si l’ouvrage respecte la forme chronologique, on pencherait plutôt pour une étude méticuleuse de l’évolution de la personnalité et de la psychologie du célèbre Bavarois. C’est un homme exceptionnel qui y est décrit et son talent et son palmarès ne l’expliquent que partiellement. Si les événements sportifs qui ont fait sa gloire et sa popularité s’y trouvent décrits, ils ne sont pas autant disséqués que ses motivations. Avec humour, Uli Hesse se faufile entre les nombreuses biographies du Kaiser (seule celle publiée en 2005 par Torstern Körner trouve grâce à ses yeux) qu’il démonte soigneusement dans un jeu de massacre à épisodes qu’on suit en souriant, tant les contradictions entre ces livres sont nombreuses et son souci de rétablir la vérité constante.

Les trois vies que revisite l’auteur sont inattendues. Dans une biographie classique, on s’attarderait d’abord sur la carrière de joueur, puis d’entraîneur et enfin de dirigeant de Franz Beckenbauer. Mais le découpage d’Uli Hesse s’arrête d’abord le jour où le joueur est transféré au New York Cosmos, puis quand il devient ambassadeur de la candidature allemande pour l’organisation de la Coupe du monde 2006.

Tout d’abord, Beckenbauer apparaît comme une personne considérée comme arrogante, prétentieuse mais aussi un joueur doué qui ne se fixe que tardivement en défense centrale, en Ausputzer, revenant au milieu de terrain au gré des circonstances. Le Kaiser ne prévoit jamais rien à l’avance et navigue toute sa vie au gré des opportunités que son talent phénoménal lui procure. Même s’il est très attaché à une défense à quatre avec un libéro décroché, l’entraîneur Beckenbauer n’associe pas son nom à une philosophie du jeu mais à une Realpolitik très pragmatique. Son extérieur du pied droit lui permet de tout faire, notamment de jouer la finale de Coupe du monde 1966 à 20 ans, deux ans seulement après ses débuts professionnels. Dès 1967, la presse allemande le sacre empereur et il devient le Kaiser. Les difficultés qu’il rencontre sont toujours aplanies par un entourage bienveillant. Uli Hesse décrit un homme très attiré par les femmes et que la vie de couple n’empêche pas de faire des rencontres dont l’issue est souvent une nouvelle paternité. Il trouve en Robert Schwan un agent et complice qui le transforme en Midas, notamment grâce au lien très étroit qu’il tisse avec Adidas. Son départ pour New York le transforme. Son élégance n’y est pas confondue avec de l’arrogance. L’auteur décrit ce qui sera peut-être la meilleure période de sa vie, où il prend plaisir à côtoyer les célébrités et aussi ses coéquipiers plus anonymes du Cosmos. Mais si son talent, plus encore que celui de Pelé, contribue à lancer le soccer aux États-Unis, la NASL1 ne survit pas longtemps à son retour en Allemagne.

La vie de Beckenbauer est marquée par des prises de position irréfléchies et intempestives, qu’Uli Hesse relève avec gourmandise, notamment après le titre de 1990 où il prédit l’invincibilité pour longtemps de la Nationalmannschaft avec la réunification allemande. Mais son patriotisme décomplexé et le titre mondial de 1990 jouent en sa faveur et il devient très populaire. À la fin de sa vie, sa réputation est gravement attaquée et il se réfugie alors dans le silence. Mais il a longtemps compté sur une bonne étoile qui lui a rarement fait défaut dans sa triple carrière de joueur, de Teamchef ou de dirigeant. L’auteur insiste sur les trois semaines de très mauvais temps avant la Coupe du monde 2006, suivies d’un Kaiserwetter marqué par un soleil éclatant tout au long de la compétition.

Sa troisième vie se termine tristement. Il cesse toute activité en 2016 après une opération à cœur ouvert. Il perd son fils chéri Stefan, le seul à qui il a su transmettre sa passion du football. Il est accusé d’avoir perçu des millions pour ses fonctions à l’organisation de la Coupe du monde, initialement présentées comme bénévoles. Presque aveugle, ne parlant plus que difficilement, il disparaît en ne faisant plus l’unanimité qu’il avait su conquérir en gagnant de nombreux trophées avec le Bayern et l’équipe nationale, malgré un somptueux hommage rendu par le Bayern.

À travers l’analyse d’un personnage riche et complexe, Uli Hesse nous livre est une œuvre originale et attachante. Les succès de Franz Beckenbauer sont mis en perspective avec sa chute finale, sur laquelle l’auteur évite la cruauté que certains pourraient ressentir en constatant les erreurs commises par le Bavarois et que son talent aurait dû lui éviter. Ce parcours exceptionnel du plus grand joueur allemand de l’histoire est parfaitement retracé dans tous ses aspects.

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1 North American Soccer League. Retour au texte

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Martine Benammar, « Uli Hesse, The Three Lives of The Kaiser. A Biography of Franz Beckenbauer », Football(s). Histoire, culture, économie, société [En ligne], 6 | 2025, . Droits d'auteur : Le texte seul, hors citations, est utilisable sous Licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont susceptibles d’être soumis à des autorisations d’usage spécifiques.. URL : https://preo.ube.fr/football-s/index.php?id=987

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Martine Benammar

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