La sororité des travestis dans Les Vilaines, de Camila Sosa Villada

  • The Sisterhood of Travestis in The Queens of Sarmiento Park, by Camila Sosa Villada

DOI : 10.58335/sel.503

Résumés

Camila Sosa Villada décrit dans Les Vilaines une communauté de travestis qui survivent comme travailleuses du sexe dans le Parc Sarmiento de la ville de Córdoba en Argentine à la fin des années 1990. Combinant souvenirs autobiographiques avec réalisme magique, le roman se concentre sur la trajectoire et la résilience de ces travestis qui ont été rejetées par leur famille biologique mais recueillies et encouragées par une famille choisie. Cette famille queer se structure autour du matriarcat de Tante Encarna et de la sororité des filles d’Encarna. En dépit de quelques vilaines agressives, les sœurs s’entraident, partagent leurs expériences et progressent ensemble dans l’affirmation de leur transidentité.

In The Queens of Sarmiento Park, Camila Sosa Villada describes a community of travestis who do sex work in Sarmiento Park in the city of Córdoba in the late 1990s in Argentina. Mixing autobiographical memories with magical realism, the novel focuses on the trajectory and resilience of these travestis who were rejected by their biological families but empowered by the support of a chosen family. This queer family revolves around the matriarchy of Auntie Encarna and the sisterhood of Encarna’s daughters. In spite of a few aggressive siblings, the sisters care for each other, share knowledge and make progress together to express their transidentity.

Plan

Texte

Depuis la publication du classique El Lugar sin límites (1966), de José Donoso, la représentation des travestis dans la littérature latino-américaine est loin d’être marginale. Toutefois, la publication de Las Malas par Camila Sosa Villada en 2019 marque un tournant sur ce thème quant à la magnitude de la réception de l’œuvre : plusieurs prix littéraires remportés, multiplication des traductions dont une en français aux éditions Métailié (en 2021 sous le titre Les Vilaines) et l’existence d’un corpus critique autour de cette autofiction.

En dépit du recours au réalisme magique1 (autre caractéristique du roman latino-américain), Les Vilaines est largement inspiré par le parcours de l’autrice, elle-même travesti, qui a dû fuir sa famille et son village dans les années 1990 pour vivre sa transidentité dans la grande ville de Córdoba, au centre de l’Argentine. La narratrice, Camila, porte le même prénom que l’autrice et le roman raconte la double vie qu’elle mène : étudiante le jour, se spécialisant dans la communication et le théâtre, et travailleuse du sexe la nuit, pour s’assurer une indépendance financière. Comme le titre l’indique, Camila est une vilaine parmi d’autres, et le lien qui l’unit aux Vilaines du Parc Sarmiento fera l’objet de la présente analyse.

L’intérêt des Vilaines réside dans l’illustration de l’expérience de la sororité mais aussi de son traitement original sous le prisme du prix à payer quand on rejette le destin d’homme pour vivre ouvertement une identité non-binaire, se positionnant à l’encontre du machisme et des privilèges associés à la domination masculine.

Tandis qu’une définition ordinaire de la sororité signifie un lien de compassion et de soutien entre femmes2, la sororité décrite par Sosa Villada exprime une solidarité entre une communauté de travestis qui sont liées par l’expérience commune et indissociable de la transphobie et de la putophobie3. De même que chez Lola Lafon, le traumatisme du viol précède et rend possible la sororité entre les victimes des violences sexuelles (« À la violence de ce qui nous a réunies s’oppose la force de ce qui nous lie aujourd’hui4 »), de même l’expérience première de la haine combinée de la travailleuse du sexe et du travesti rend possible une complicité rarement documentée entre les survivantes de cette oppression.

Prenant au pied de la lettre la phrase de Simone de Beauvoir, le travesti ne naît pas femme, mais en devient une, ici dans le contexte conservateur et machiste de l’Argentine des années 1990, nécessitant une clarification sur le sens et l’usage du terme travesti.

Dans son essai « I Monster: Embodying Trans and Travesti Resistance in Latin America », Joseph M. Pierce prend soin de définir les termes trans et travestis pour souligner la nuance entre les deux identités :

Travesti, en Argentine, en Uruguay et au Chili, renvoie aux personnes déclarées hommes à la naissance qui féminisent leurs corps, vêtements et comportements ; et qui préfèrent les pronoms féminins et souhaitent qu’on leur parle au féminin ; qui ont souvent recours à une transformation de leurs corps, par exemple avec l’injection de silicone ou la prise d’hormones, mais qui ne recherchent pas nécessairement la chirurgie de changement de sexe. […] Le travesti relève de la variation de l’identité de genre mais pas forcément du passage d’une identité de genre à son opposé5.

Pierce place la trans dans un itinéraire linéaire d’une identité subie (comme homme) vers une identité intime et publiquement affirmée (comme femme), tandis que le travesti s’affirme surtout par l’aspect non-binaire de son identité de genre, étant plus dans le rejet de l’identité masculine que dans l’objectif de s’inscrire sans ambiguïté dans l’identité de femme. À cette nuance, Sosa Villada en apporte une autre dans la préface à la traduction anglaise des Vilaines :

Sous l’équateur, à l’autre bout du monde, nous nous sommes associées pour déterrer le mot travesti. Il avait été pompeusement enterré au profit de mots qui nous étaient complètement étrangers. Les gens nous appelaient femmes trans, transsexuelles, transgenres, et parlaient même de dysphorie de genre et de dissidence sexuelle. Une fois de plus, le monde universitaire occidental prétendait nous définir pendant que nous étions occupées à survivre, à exister, à baiser et à manger. […] Je n’utilise pas le terme femmes trans. Je n’utilise pas un vocabulaire chirurgical, aussi froid qu’un scalpel, parce que ce vocabulaire n’exprime pas nos expériences comme travestis dans ces régions. […] Je revendique les lynchages et les crachats, je revendique le mépris6.

Dans un geste typique de Jean Genet, qui préférait parler de tapettes que d’homosexuels et a fondé son esthétique à partir d’une poésie de l’abjection7, Sosa Villada rejette les termes manufacturés dans l’hémisphère nord qui sont trop neutres et trop médicaux pour représenter adéquatement le vécu des travestis ainsi que l’odeur de stupre et de fange qui leur colle à la peau8.

Dans un premier temps, nous établirons la constitution de la communauté des travestis, rendant compte d’une trajectoire allant de la fuite vers le refuge, et présentant l’importance de deux lieux : le Parc Sarmiento, où les travestis s’adonnent au travail du sexe, et la pension de Tante Encarna, lieu de protection et d’entraide pour les travestis du Parc. Nous qualifierons ensuite les deux dynamiques majeures des liens entre les travestis : d’une part un matriarcat, marqué par l’ascendant de Tante Encarna, propriétaire de la pension et figure charismatique de la communauté, et d’autre part la sororité liant les filles de Tante Encarna entre elles. Enfin, nous nuancerons le lien de solidarité en pointant quelques cas de rivalité et de malveillance portant certains travestis à blesser leurs sœurs au lieu de les secourir. Toute famille, biologique ou alternative, est inéluctablement traversée par des tensions et des abus de pouvoir, ce qui est aussi le cas de la famille des travestis ressuscitée avec brio par Sosa Villada.

De la famille subie à la famille choisie

« Si j’avais un fils pédé ou drogué, je le tuerais. À quoi bon avoir un enfant comme ça9 ? ». Camila grandit dans une famille profondément pauvre, malheureuse et dysfonctionnelle. Ses parents se marient très tôt et n’ont qu’un enfant, ce garçon féminin qui crée le malaise chez son père. En raison de la pauvreté des parents, l’enfant est envoyé vendre des glaces aux touristes de passage dans le village et fait l’expérience humiliante d’inspirer la pitié chez les adultes et la honte chez son père. Ce dernier, alcoolique et violent, s’absente régulièrement du foyer pour aller vivre chez une seconde femme avec qui il a eu d’autres enfants. Pour reprendre la citation de Didier Éribon dans ses Réflexions sur la question gay : « Au commencement il y a l’injure10 », et dans le cas de Camila, les insultes viennent d’abord du foyer, précisément du père, pourtant censé la protéger. Quant à la mère, elle sombre dans la dépression, se concentrant sur son malheur de femme délaissée et abandonnant à son tour un enfant privé d’amour et de confort matériel.

En dépit des insultes, des coups et d’une solitude pesante au milieu de la campagne argentine, Camila se rebiffe et puise dans sa rage la force nécessaire pour honnir elle aussi des parents qu’elle trouve minables :

Moi aussi, j’avais honte d’eux. Honte de notre misère, de la distance qui nous séparait de la beauté, des beuveries de mon père exposées devant tout le village comme s’il s’agissait d’un étendard, d’avoir eu à travailler dès l’âge de huit ans à vendre des trucs dans la rue, car mon père avait besoin que son fils serve à quelque chose. Je n’appartenais pas à cette famille-là, j’étais une exilée du fait d’être celle que j’étais, je n’appartenais pas au noyau familial qu’ils formaient, tous les deux11.

Ce renversement de la honte est salvateur pour l’enfant, il lui permet d’échapper à la tentation du suicide pour privilégier une colère propice à la réinvention de soi. L’enfant commence à se travestir très tôt, le plus discrètement possible, en empruntant des vêtements à sa mère, en sortant la nuit, puis en faisant ses premières passes auprès d’adultes au début de son adolescence. Le travesti prend ainsi naissance dans le reniement de parents abusifs, incultes et grossiers. L’enfant sait que pour survivre, il faudra non seulement renier mais surtout fuir dès que possible ses parents et ce village où tout le monde se moque de l’enfant travesti. Dans un ultime geste d’agression, le père défie l’enfant en lui jetant cette prédiction à la figure :

Tu auras du mal à trouver un travail avec une jupe courte, le visage maquillé et les cheveux longs. Enlève cette jupe. Enlève ce maquillage de ton visage. À coups de pied au cul, tu vas m’enlever ça. Tu sais quel boulot tu peux exercer avec cette dégaine ? Tu peux sucer des bites, mon ami. Mais tu sais dans quel état on va te trouver, ta mère et moi, un jour ? On va te trouver au fond d’un fossé, malade du sida, de la syphilis, de la blennorragie, va savoir avec quelles saloperies dans le corps on va te trouver, ta mère et moi, un jour. Alors réfléchis un petit peu : si tu continues à ressembler à ça, personne ne va t’aimer12.

Cette prédiction est d’une violence bouleversante pour Camila, condamnée par son père à la solitude d’une vie sans amour, saturée de violences et de maladies sexuellement transmissibles, avec pour seul métier la profession la plus stigmatisée au monde : le destin d’une pute13 qui finira comme une charogne dans un fossé. Le manque d’amour n’est pas une réalité nouvelle pour Camila, ni l’activité de la prostitution, aussi la prédiction du père ne fait qu’entériner l’urgence de partir et de rechercher un nouveau départ dans l’anonymat d’une grande ville. Ce mouvement migratoire des minorités sexuelles de la campagne vers les grandes villes a été étudié par John d’Emilio dans Sexual Politics, Sexual Communities14 (1983). Quant à la précarisation des travestis et femmes transgenres, résultant d’une combinaison de divers facteurs, elle se traduit en effet par un important recours au travail du sexe et une exposition à la discrimination et à la violence de la part de plusieurs institutions (école, système de santé, prison, police). Comme le rappelle Patricio Simonetto dans son histoire des trans en Argentine, l’espérance de vie des travestis et transgenres en Amérique latine varie de 35,5 à 41,25 ans15.

Camila arrive ainsi dans la plus grande ville de la région, Córdoba, et fait le ménage dans la maison où elle loue une chambre en échange d’un loyer réduit, tout en commençant ses études. Pour subvenir à ses besoins, elle s’adonne au travail du sexe la nuit et finit par découvrir le Parc Sarmiento, lieu notoire de prostitution des travestis. Elle fait la connaissance d’un groupe de travestis qui travaillent dans ce Parc puis découvre un lieu adjacent qui sera son sanctuaire pour les prochaines années : la pension de Tante Encarna. Cette pension sert de refuge à toute la troupe : « Elles se rendent chez Tante Encarna, la pension qui est le paradis des tantouzes, l’endroit qui a accueilli tant de trans, les a cachées, protégées, leur a offert un refuge dans les moments de détresse16 ». Cette pension couleur rose bonbon appartient au travesti la plus âgée et la plus aguerrie du groupe, et dans cet espace, il y a toujours de quoi boire et manger pour les autres travestis, ce qui est une aubaine car beaucoup mangent mal ou pas assez, comme la narratrice qui est fatiguée de manger chaque jour le pain du pauvre : « Chez Tante Encarna, les placards étaient toujours remplis ; s’il te manquait quelque chose, elle te le donnait : farine, sucre, huile, herbe à maté, tout ce qui ne pouvait manquer dans aucune maison17 ». En plus d’offrir un refuge en cas d’intempéries et d’être une source de nourriture quand la faim se fait pressante, la pension sert aussi et surtout de lieu d’échange, de convivialité et de partage d’informations cruciales pour préserver sa santé, gérer les clients et les policiers violents, et progresser dans sa féminisation :

Je me suis peu à peu habituée à faire partie de ce troupeau qui se rendait de manière furtive dans le Parc. J’étais la plus jeune, la plus ingénue du groupe. Je ne connaissais rien. Mais ces trans distribuaient leur savoir de la même manière qu’elles pouvaient donner tout ce qu’elles avaient dans leur sac, du moment qu’on les traitait avec respect18.

Dès que j’ai mis les pieds chez Tante Encarna, j’ai pensé que c’était le paradis, habituée comme j’étais à cacher ma vraie identité dans les pensions où j’habitais à l’époque, à souffrir comme une chienne, la bite étranglée dans des slips toujours trop petits. Dans cette maison rose, en revanche, les trans se promenaient toutes nues dans la cour débordant de plantes et on parlait de manière naturelle des effets de l’huile de silicone, on se racontait au milieu des rires des rêves inavouables, on montrait des bleus laissés par des nuits de guerre19.

Se tisse ainsi la géographie d’une communauté : les travestis se retrouvent soit au Parc Sarmiento pour travailler la nuit, soit dans la pension de Tante Encarna pour se reposer, se donner des conseils et s’encourager à tenir bon en dépit de la profonde hostilité de la société. Ce qui fait de cette pension un lieu magique pour Camila, c’est la suspension de la stigmatisation et la possibilité de se sentir soutenue et célébrée dans son identité par d’autres travestis traversant les mêmes épreuves. En ce sens, l’expérience de la transphobie et de la putophobie sont inextricablement liées20, et c’est pour affronter cette double oppression que les travestis s’associent et forment une communauté littéralement unique en son genre.

Camila se distingue au sein de cette communauté par son très jeune âge, mais aussi par son statut d’intellectuelle (la seule qui fasse des études) et par sa voix très féminine. Grâce à ces travestis plus expérimentées, elle reçoit un enseignement alternatif : la transmission de l’art de survivre et de s’épanouir quand on est un travesti. Marquée par la prédiction sinistre de son père, Camila peut désormais entendre un autre chant, une promesse opposée : « “Tu vas finir dans un fossé”, me disait mon père à l’autre bout de la table. “Tu as le droit d’être heureuse”, nous disait Tante Encarna depuis son fauteuil dans la cour. “La possibilité du bonheur existe aussi”21 ». Au verdict de solitude et de manque d’amour prononcé par son père s’oppose l’invitation au bonheur de Tante Encarna et l’assurance de pouvoir compter sur le soutien et l’amour des travestis. Il nous reste à présent à expliquer en quoi ce lien d’entraide passe par l’expérience de la sororité.

« La complicité d’un groupe d’orphelines »

Les Vilaines s’ouvre sur une citation de Gabriela Mistral, figure légendaire du Chili, poétesse lauréate du Prix Nobel de littérature, politicienne engagée au service de l’éducation pour tous, et lesbienne discrète en raison de l’homophobie de son époque. La citation « Nous allions toutes devenir des reines22 » annonce la force du lien collectif entre les travestis avec l’objectif d’arriver à transcender ensemble la condition de paria pour s’élever, comme dans un conte de fées, de la souillon à la reine puissante et magnifique.

Si Camila et les autres travestis constituent « un groupe d’orphelines23 », c’est en raison du reniement des enfants travestis par leur famille, mais le rejet par la famille biologique et hétérosexuelle fait place à l’adoption par une famille queer et alternative. La sororité naît de la dynamique de cette famille choisie.

Dans un article consacré au phénomène de post-mémoire (concept initialement théorisé par Marianne Hirsch24) chez les travailleuses du sexe transgenres à Istanbul, la chercheuse Dilara Çalişkan a mis en valeur la relation mère-fille comme système d’entraide et de survie pour les travailleuses du sexe transgenres qui sont exclues de leurs familles et font l’objet d’une répression brutale des forces de police. La relation mère-fille fonctionne de la façon suivante :

La relation mère-fille est devenue un refuge important dans lequel plusieurs niveaux d’intimité finissent par créer un espace de vie quotidienne où circule l’expérience de savoir-vivre en tant que femme trans en Turquie. En réaction à un environnement oppressant et violent, les travailleuses du sexe transgenres s’allient dans des relations mère-fille afin de créer des réseaux d’entraide où se transmettent l’expertise et la mémoire des femmes trans à travers le temps et l’espace. Quand j’ai demandé à Burçin (une mère trans dans la cinquantaine) au sujet de sa fille et de la raison d’une relation aussi particulière que celle de mère-fille parmi les femmes trans, elle a réfléchi puis s’est exclamée : « Pourquoi laisserais-je quelqu’un d’autre traverser toutes les merdes que j’ai dû vivre25 »

Quand bien même Encarna est toujours précédée du titre de Tante, elle n’est pas la tante mais bien la mère de tous les travestis du Parc Sarmiento. À la différence des mères trans étudiées par Çalişkan qui se concentrent sur une seule fille, Tante Encarna est la mère de plusieurs filles26 et elle est reconnue par toutes comme la matriarche en raison de son grand âge (on lui donne cent soixante-dix-huit ans dans le roman, âge irréaliste mais basé sur l’idée que les femmes trans travailleuses du sexe ont une espérance de vie dramatiquement courte et que chaque année vécue équivaut à une décennie pour une personne cisgenre), de son parcours transatlantique (une Espagnole ayant fui la dictature de Franco), de son corps ayant survécu à plusieurs coups de couteau et quelques balles, et à l’immensité de sa résilience et de ses connaissances.

Tante Encarna est une source inépuisable de transmission du savoir, de la mémoire et de nourriture, mais elle peut être aussi brutale dans sa façon d’éduquer ses filles. Le roman commence par une décision sans appel de Tante Encarna lorsqu’elle tombe sur un bébé en pleurs, abandonné par une nuit d’hiver dans le Parc : elle prendra cet enfant, l’élèvera et sera sa mère d’adoption27. À la fois crainte et adorée, la mort par suicide de Tante Encarna à la fin du roman provoquera une immense tristesse auprès de ses filles, la dispersion du groupe et la fin d’une époque pour la narratrice.

La sororité s’inscrit à partir de la maternité de Tante Encarna et du matriarcat qu’elle exerce sur ses filles. Les travestis se considèrent comme des sœurs entre elles et se soutiennent les unes les autres au fil des épreuves qu’elles traversent. Ainsi, quand l’une se fait attaquer par un client ou un policier, les autres accourent pour la défendre, et lorsqu’une finit à l’hôpital suite à une agression ou aux maladies opportunistes liées au SIDA, ce sont encore ses sœurs qui lui rendent visite et essaient de lui remonter le moral. Outre l’entraide matérielle et la précieuse transmission d’informations pour féminiser son corps et exercer au mieux son métier, les sœurs ont aussi en commun une grande empathie lorsque l’une d’elles est assassinée ou blessée suite à une agression. D’où cette phrase au moment où un travesti est particulièrement souffrante : « Les trans pleuraient tandis qu’elles la soignaient, pourquoi tant de méchanceté et de brutalité, pourquoi ce monde de merde, pourquoi cette injustice immense, pourquoi tant de misères sur notre chemin. La douleur de l’une d’entre nous était la douleur de toutes28 ». Ce n’est pas seulement la solidarité qui fonde la sororité des travestis, mais aussi une émotivité commune, une bienveillance et une empathie partagée par chacune envers ses sœurs.

C’est enfin le langage, le choix des mots qui confirme que le lien entre les travestis est fondamentalement un lien de sororité. Quelques exemples d’occurrences du mot sœur :

Je vois ma sœur, mon amie, ma famille, se lasser des regards moqueurs29.
Notre oiseau, notre sœur la plus libre, capable de voler n’importe où30.
Nous sommes toutes arrivées, les unes après les autres, pour consoler Sandra et pour pleurer notre sœur31.
Telle a été la triste fin de notre sœur Sandra, la folle, la suicidaire32.

C’est aussi l’étude du vocabulaire qui révèle un choix de traduction discutable avec la phrase suivante : « Alors la fraternité trans s’est remise en route33. » La phrase originale, dans le texte espagnol, est : « Entonces toda la hermandad travesti se puso en movimiento34. » Outre la maladresse d’avoir traduit travesti par trans, mot rejeté par l’autrice qui a revendiqué son identité de travesti, il y a le choix d’avoir traduit hermandad par fraternité, alors que hermandad signifie les liens entre frères et sœurs, et qu’il peut se traduire par fraternité s’il n’y a que des frères ou des frères et sœurs, mais peut aussi se traduire par sororité s’il n’y a que des sœurs. La traductrice du texte en anglais, Kit Maude, ne s’y est pas trompée en donnant la traduction suivante : « And so the whole travesti sisterhood mobilized35. » Après avoir insisté sur la solidarité et l’empathie entre sœurs, il nous reste, dans un dernier temps, à nuancer cette sororité par quelques exemples où la méfiance et la malveillance l’emportent sur l’entraide et l’amour.

Quelques sœurs vraiment vilaines

Chaque famille est traversée par des tensions, et les familles choisies n’échappent pas plus que les familles biologiques aux phénomènes d’abus de pouvoir, de manipulation, de jalousie et d’autres pratiques qui relèvent plus de l’agression que de l’amour. En dépit de l’amour que les travestis portent à Tante Encarna pour le refuge, les conseils, la nourriture et le soutien dont elle est la source, cette dernière est aussi décrite comme rancunière et autoritaire envers ses filles. La sororité n’est pas exempte d’ambivalence quant à la négativité qui peut endommager le lien de bienveillance entre certaines sœurs.

Dans l’introduction à l’ouvrage collectif dédié à la sororité, Chloé Delaume rappelle cette part d’ombre de la sororité :

La sororité est un outil. Un outil de puissance, une force de ralliement, la possibilité de renverser le pouvoir encore aux mains des hommes. S’allier en un regard, faire bloc, contrer en nombre. Pour autant c’est un geste qui ne va pas de soi. Nous sommes conditionnées, la rivalité entre femmes est savamment cultivée. […] Percevoir en l’autre une sœur ne va pas toujours de soi. J’entends en l’autre toute femme, qu’elle soit née femme ou le soit devenue36.

Quand bien même la majorité du roman Les Vilaines représente la sororité des travestis sous l’angle de la compassion, de la transmission et de l’émancipation collective, nous consacrerons cette dernière partie à trois cas de relations entre travestis où la sororité est vécue de façon négative.

Le premier cas est le souvenir d’une bagarre entre deux travestis. Camila, se rappelant le regard de haine des animaux pris dans les pièges du père, retrouve la même expression de haine féroce entre deux travestis se battant jusqu’au sang et que personne n’arrivait à séparer : « Cette fureur dans les yeux, je ne l’ai revue que des années plus tard, dans une bagarre entre trans, au cours d’une de ces nombreuses nuits, durant ces années que nous avons passées à imiter la vie sauvage de la cambrousse. Parfois, on est victime, d’autre fois, bourreau37. » Cette dernière remarque est d’une grande finesse psychologique pour comprendre comment la violence de l’oppression subie finit par prédisposer certaines victimes à reproduire cette violence sur d’autres personnes autour de soi, y compris ses sœurs.

Le second cas est intéressant car il permet une approche intersectionnelle de la sororité des travestis. Camila se rappelle du malaise ressenti face à la compagnie des « femmes Corbeaux38 » qui venaient de temps en temps au Parc Sarmiento et chez Tante Encarna mais qui n’ont jamais été acceptées ni respectées par les autres travestis :

Durant les derniers mois de vie de Natalí, deux sœurs trans venaient nous rendre visite dans le Parc, elles habitaient les beaux quartiers et ne se travestissaient que la nuit : durant la journée, elles continuaient avec la mascarade d’être des hommes. C’étaient des gosses de riches, des garçons de bonne famille39.

Elles nous imitaient, mais elles étaient incapables de s’affranchir des obstacles de classe. Elles parlaient notre langue, car bien entendu elles parlaient plusieurs langues, elles imitaient notre démarche et baisaient avec nos clients, mais elles ne leur demandaient pas d’argent. […] Elles jouaient simplement à mener une vie qui n’était pas la leur40.

En dépit du vocabulaire choisi par la narratrice, qui fait des femmes Corbeaux deux « sœurs », la description de ces deux travestis instaure une distance et une méfiance irréductibles entre elles et les filles de Tante Encarna. Vivant leur condition de travesti à la carte, c’est-à-dire se travestissant uniquement par jeu, de nuit, sans renoncer aux privilèges matériels et sociaux de leur identité d’hommes, les femmes Corbeaux font preuve d’une lâcheté et d’un opportunisme qui ne peut provoquer que le mépris des travestis du Parc qui paient cher le prix d’assumer leur identité de travesti.

La lutte des classes creuse un fossé entre les travestis et les femmes Corbeaux, de sorte que même les cadeaux offerts par les Corbeaux aux travestis créent un malaise au sens où leur don passe par un rapport de condescendance et de privilège plus que par l’expression noble d’une générosité désintéressée. Issues de la bourgeoisie, les femmes Corbeaux ne veulent pas prendre le risque de perdre la qualité de leur train de vie, réduisant leur transidentité à un divertissement clandestin et admirant au fond d’elles le courage et la résilience des travestis du Parc Sarmiento qui préfèrent l’intégrité dans la marginalité plutôt que l’opulence dans l’inauthenticité.

Le troisième et dernier cas relève d’une personnalité marquée par le ressentiment et la rivalité, préférant le conflit à la solidarité, et blessant ses sœurs au lieu de les aider :

Depuis le début, elle avait dit que j’avais un gros nez, que j’étais moche, une noiraude de la cambrousse. Elle m’avait touché la bite de manière provocatrice et s’était moquée de ma manière de parler41.

Elle se prénommait Patricia, mais on l’appelait la Boiteuse, la Virole ou le Fou. Elle avait choisi de s’appeler Patricia en souvenir d’une petite sœur qu’elle avait eue dans son Chaco natal et que la fièvre avait emportée42.

La narratrice est impressionnée par l’agressivité de Patricia qui, dès le début de leur rencontre, choisit le sarcasme et la méchanceté pour la mettre mal à l’aise. Il ne s’agit pas ici de l’humour camp43, qui est un humour vache mais bienveillant entre personnes queers, mais au contraire d’un humour qu’on pratique comme on donne un coup de couteau, pour rabaisser et mettre à terre. Plus tard, lorsque Camila et Patricia suivent deux clients chez eux, Patricia vole le portefeuille d’un client, l’agresse physiquement avant de s’enfuir, laissant volontairement la narratrice toute seule pour gérer la colère des deux clients44. Toutefois, l’histoire particulière de Patricia permet une variation sur le thème de la sororité : elle choisit son prénom en hommage à sa sœur tragiquement disparue, et fait en sorte, par cette réappropriation du prénom, de donner une postérité à sa sœur à travers sa propre affirmation comme femme45. Patricia se distinguait des autres travestis en étant crainte pour ses débordements impulsifs. Un dernier exemple de sa violence est relaté lorsqu’elle taille la joue d’un autre travesti qui avait essayé de lui disputer un client :

Je n’ai pas revu Pato pendant longtemps, jusqu’au moment où elle tailladé d’un coup de canif la joue d’une autre trans qui avait voulu lui piquer un client sous son nez. La voiture s’était arrêtée à la frontière de leurs territoires, Patricia a vu l’autre ouvrir la porte de la Fiat Uno déglinguée et elle est sortie de ses gonds, elle a fermé la porte de la voiture d’un coup de pied et a coincé les doigts de l’autre fille dans la portière46.

Patricia illustre parfaitement une phrase citée précédemment : la victime, en raison d’atrocités vécues très tôt, finit par devenir violente à son tour avec d’autres sœurs pourtant aussi marginales qu’elle. En conséquence, une partie des cicatrices de la sororité des travestis vient malheureusement de coups données par d’autres sœurs.

Sororité, j’écris ton nom

Si le travesti est représenté depuis plusieurs décennies dans la littérature latino-américaine (on pense par exemple au roman de Pedro Lemebel, Je tremble, ô Matador, publié en 2004 en France puis adapté au cinéma en 2022), l’originalité des Vilaines est d’avoir privilégié la représentation des travestis comme une communauté, avec des mots nouveaux pour rendre hommage à la maternité de Tante Encarna et au lien sororal regroupant ses filles. Élevée dans une famille inculte et grossière, étant la première enfant à faire des études supérieures, Camila est allée jusqu’à puiser dans sa langue maternelle de quoi forger sa propre langue pour magnifier la beauté et la dignité des travestis :

La langue est à moi. C’est mon droit, une partie de la langue me revient. Elle est venue à moi. Ma mère en a hérité, mon père l’a dilapidée. Cette langue, je vais la détruire, la contaminer, la confondre, l’incommoder, la déchirer et la faire renaître autant de fois que nécessaire. Dans ce monde, chaque chose bien faite a droit à sa renaissance47.

La première expérience du langage est celle de l’insulte, qu’elle vienne du père ou d’étrangers, mais en héritière de Jean Genet, Sosa Villada s’approprie le potentiel poétique de la langue espagnole pour inverser l’invective et chanter l’épopée des travestis. Tandis que la dernière phrase du roman est amère (« C’est comme si nous n’avions jamais été là48 »), témoignant de la fin d’une époque avec la gentrification du Parc, le suicide de Tante Encarna, les assassinats de plusieurs travestis et les ravages de l’épidémie du SIDA, une survivante du groupe, la sœur étudiante, l’intellectuelle inspirée, se fait poétesse et inscrit dans le marbre de la littérature, contre l’oubli et le mépris, l’existence bien réelle de la sororité des travestis.

Bibliographie

Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe, Vol. 1 Les Faits et les mythes, Paris, Gallimard, 1949.

Jordana Bljemar, « Las Malas, de Camila Sosa Villada: Géneros indómitos y un nuevo bestiario para la literatura argentina », Pensar lo real: Autoficción y discurso crítico, Anna Forné et Ana Casas (dir.), Madrid, Bonilla Artigas Editores, 2022, p. 127-143.

Dilara Çalişkan, « Queer Postmemory », European Journal of Women’s Studies, 2019/26, no 3, p. 261-273, https://doi.org/10.1177/1350506819860164.

Benoît Coquil, « La Patrie travestie : réécritures subversives du xixe siècle argentin chez Gabriela Gabezón Cámara, Ana Ojeda et Camila Villa Sosada », CRISOL, 2024, no 31, p. 1-19.

Chloé Delaume (dir.), Sororité, Paris, Points, 2021.

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Camila Sosa Villada, « The Word Travesti », dans Id., The Queens of Sarmiento Park, Londres, Virago Press, 2022.

Notes

1 Sur l’aspect du réalisme magique dans Les Vilaines (Camila Sosa Villada, Les Vilaines, Paris, Métailié, 2021), voir Jordana Blejmar, « Las Malas, de Camila Sosa Villada: Généros indomitos y un nuevo bestiario para la literatura argentina », dans Pensar lo real: Autoficción y discurso crítico, Anna Forné et Ana Casas (dir.), Madrid, Bonilla Artigas Editores, 2022, p. 127-143. Retour au texte

2 Chloé Delaume (dir.), Sororité, Paris, Points, 2021, p. 9 : « Un rapport de femme à femme, indéfectible et solidaire. Un rapport de femme à femme, ni fille ni mère, égalitaire ». Retour au texte

3 Dans cet article, par respect pour l’identité non-binaire des Vilaines, le mot travesti s’écrira au masculin mais s’accordera au féminin. Retour au texte

4 Lola Lafon, « La traversée », dans Delaume, 2021, p. 26. Retour au texte

5 Joseph M. Pierce, « I Monster: Embodying Trans and Travesti Resistance in Latin America », Latin American Research Review, 2020/55, no 2, p. 305-321, ici p. 305-306. « Travesti, in Argentina, Uruguay, and Chile, refers most frequently to people assigned male sex at birth and who feminize their bodies, dress, and behavior; prefer feminine pronouns and forms of address; and often make significant bodily transformations by injecting silicone or taking hormonal treatments but do not necessarily seek sex-reassignment surgery. […] Travesti involves gender variance but not always gendered difference. » Ma traduction. Retour au texte

6 Camila Sosa Villada, « The Word Travesti », dans Id., The Queens of Sarmiento Park, Londres, Virago Press, 2022. « Down below the equator, right at the end of the world, we banded together to dig up the word travesti. It had been decorously buried under terms that were completely alien to us. People were calling us trans women, transsexuals, or transgender, and even mentioned conditions such as gender dysphoria and sexual dissidence. Once again, northern academia was being thrust upon us while down here we were busy surviving, living, fucking, and eating. […] I don’t use the term trans women, I don’t use surgical vocabulary, cold as a scalpel, because the terminology doesn’t reflect our experience as travesties in these regions. […] I reclaim the stonings and spittings, I reclaim the scorn. » (XI). Ma traduction. Retour au texte

7 Jean Genet, Journal du voleur, Paris, Gallimard, 1982, p. 113. « Les Tapettes sont un peuple pâle et bariolé qui végète dans la conscience des braves gens. Jamais elles n’auront droit au grand jour, au véritable soleil. Mais reculées dans ces limbes, elles provoquent les plus curieux désastres annonciateurs de beautés nouvelles ». La filiation entre Sosa Villada et Jean Genet est établie par Benoît Coquil dans son article « La Patrie travestie : réécritures subversives du xixe siècle argentin chez Gabriela Gabezón Cámara, Ana Ojeda et Camila Villa Sosada », CRISOL, 2024, no 31, https://crisol.parisnanterre.fr/index.php/crisol/article/view/639, p. 1-19, ici p. 14-15. Retour au texte

8 Dans ce débat entre l’usage du mot travesti ou celui de trans, l’expression utilisée par Julia de Ípola, Sophie Marty et Cecilia Reyna dans leur analyse de Las Malas est peut-être la plus pertinente : « las existencias travesti-trans » : Julia de Ĺpola, Sophie Marty et Cecilia Reyna, « Las malas (2019) », CRISOL, numéro HS, 2022, p. 14. Retour au texte

9 Sosa Villada, 2021, p. 86 (l’année 2021 renvoie à l’édition française). Retour au texte

10 Didier Éribon, Réflexions sur la question gay, Paris, Champs, 2012, p. 25. Retour au texte

11 Sosa Villada, 2021, p. 76. Retour au texte

12 Ibid., p. 58-59. Retour au texte

13 À noter en espagnol la quasi homonymie entre puto (pédé) et puta (pute). Retour au texte

14 John d’Emilio, Sexual Politics, Sexual Communities: The Making of a Homosexual Minority in the United States, 1940-1970, Chicago, University of Chicago Press, 1983. Retour au texte

15 Voir Patricio Simonetto, A Body of One’s Own: A Trans History of Argentina, Austin, University of Texas Press, 2024, p. 3. Retour au texte

16 Sosa Villada, 2021, p. 16. Au regard du rejet du mot transgenre par l’autrice, il est problématique que la traductrice, Laura Alcoba, ait choisi de traduire le mot travesti par trans dans la version française de Las Malas. La traductrice ne pouvait toutefois pas avoir connaissance du texte de Sosa Villada dont lequel elle explique son rejet du mot transgenre, ce texte ayant été publié comme préface à la traduction anglaise du roman en 2022, un an après la traduction française. Retour au texte

17 Sosa Villada, 2021, p. 30. Retour au texte

18 Ibid., p. 75. Retour au texte

19 Ibid., p. 117. Retour au texte

20 Pour une analyse intersectionnelle de la putophobie, voir Thierry Schaffauser, Les Luttes des putes, Paris, La Fabrique, 2014. Retour au texte

21 Sosa Villada, 2021, p. 211. Retour au texte

22 Ibid., p. 9. Retour au texte

23 Ibid., p. 18. Retour au texte

24 Marianne Hirsch, The Generation of Postmemory: Writing and Visual Culture After the Holocaust, New York, Columbia University Press, 2012, https://www.jstor.org/stable/10.7312/hirs15652. Retour au texte

25 Dilara Çalişkan, « Queer Postmemory », European Journal of Women’s Studies, 2019/26, no 3, p. 261-273, https://doi.org/10.1177/1350506819860164. « The mother and daughter relationship became an important refuge in which forms of intimacies turn into a quotidian space where the experience of how to live as a trans woman in Turkey circulated. Within this framework of oppression and violence, trans women who do sex work form mother and daughter relationships in order to create networks of support where knowledge and memory of trans women travel across time and space. When I asked Burçin – a trans mother in her fifties – about her trans daughter and why there was a specific relationship that was called ‘mother and daughter relationship’ among trans women, she paused and asked: “Why would I let anybody else to go through the shit that I had to experience?” ». Ma traduction. Retour au texte

26 On peut trouver d’autres exemples de mères trans ayant plusieurs filles dans l’histoire de la culture du drag du voguing à New York : voir le documentaire Paris is Burning, de Jennie Livingston (1990) et la série Pose, de Ryan Murphy, Brad Falchuk et Steven Canals (2018-2021). Retour au texte

27 Sur la maternité de Tante Encarna, voir Alejandra Márquez, « ‘La posibilidad de ser feliz también existe’: Maternidad travesti en Las malas (2019) de Camila Sosa Villada », Romance Notes, 2022/62, no 3, p. 383-393. Retour au texte

28 Sosa Villada, 2021, p. 118. Retour au texte

29 Ibid., p. 139. Retour au texte

30 Ibid., p. 154. Retour au texte

31 Ibid., p. 184. Retour au texte

32 Ibid., p. 195. Retour au texte

33 Ibid., p. 156. Retour au texte

34 Camila Sosa Villada, Las Malas, Barcelone, Tusquets, 2019, p. 168, renvoie à l’édition originale, en espagnol. Retour au texte

35 Sosa Villada, 2022, p. 137. L’année 2022 renvoie à l’édition anglaise. Retour au texte

36 Delaume, 2021, p. 11-12. Retour au texte

37 Sosa Villada, 2021, p. 94. Retour au texte

38 Ibid., p. 99. Retour au texte

39 Ibid. Retour au texte

40 Ibid., p. 101. Retour au texte

41 Ibid., p. 158. Retour au texte

42 Ibid., p. 160. Retour au texte

43 Sur l’humour camp, voir le classique d’Esther Newton, Mother Camp. Female Impersonators in America, Chicago, University of Chicago Press, 1979. Retour au texte

44 Sosa Villada, 2021, p. 162-163. Retour au texte

45 On pourrait qualifier cette sororité d’une sororité du relais, où la survivante prend sur elle de vivre pour deux. Retour au texte

46 Sosa Villada, 2021, p. 165. Retour au texte

47 Ibid., p. 168. Retour au texte

48 Ibid., p. 214. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Maxime Foerster, « La sororité des travestis dans Les Vilaines, de Camila Sosa Villada », Savoirs en lien [En ligne], 3 | 2024, publié le 20 décembre 2024 et consulté le 02 avril 2025. Droits d'auteur : Les textes seuls sont sous Licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.. DOI : 10.58335/sel.503. URL : http://preo.ube.fr/sel/index.php?id=503

Auteur

Maxime Foerster

Southern Methodist University, Dallas

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