1. Introduction
Nos sociétés ne cessent d’être interpelées par des questions de diversité des langues, de valorisation des cultures et de ténacité des mémoires ce qui soulève des enjeux d’identités multiples, thématiques pertinentes pour le séminaire « L’entre-deux ». En effet, dans la plupart des sociétés démocratiques, bien que plusieurs citoyens approuvent silencieusement l’intégration des personnes immigrantes1 et des minorités, des faits historiques révèlent que, malgré ce constat, leur intégration n’a cessé d’être problématique (Bourhis et Carignan, 2022; www.crrf-fcrr.ca/en). Et quels moyens mettons-nous de l’avant pour promouvoir leur intégration? Pour mieux comprendre ces enjeux, ce texte présente la genèse des jumelages interculturels à l’Université de Québec à Montréal (UQAM) et les objectifs différenciés pour les étudiants francophones de différentes disciplines et les personnes immigrantes apprenant le Français Langue Seconde (FL2).
Puis, plusieurs perspectives théoriques et conceptuelles, relativement à l’apprentissage de la langue aussi bien que celui des compétences de communication interculturelles (CCI), sont proposées dans le contexte de la réalisation des jumelages interculturels en action expérimentés dans différents milieux (Deraîche, Carignan, Balde et Azémar, 2023; Bourhis et Carignan, 2022). Favorisant les contacts intergroupes, les jumelages contribuent à développer la sensibilité interculturelle des participants ainsi qu’à construire des interactions individuelles et des relations intergroupes harmonieuses comme le révèlent leurs témoignages (Deraîche, Guillot, Carignan et Gagné, 2017).
Ce texte, qui propose un survol du développement du dispositif proposé pour réaliser les jumelages interculturels, en décrit les modèles théoriques, les apprentissages et les expériences vécues par les participants.
2. L’histoire derrière les jumelages interculturels
Dans le contexte du Québec, l’histoire des jumelages interculturels est issue d’un constat. L’École de langues de l’UQAM offre un programme d’apprentissage du FL2 qui vise les personnes immigrantes ayant déjà obtenu un diplôme universitaire dans leur pays d’origine et y ayant exercé leur profession. Ces personnes immigrantes, qui sont déjà hautement scolarisées avant leur arrivée au Québec, parlent ou écrivent déjà deux, trois, voire quatre langues. Pour eux, l’acquisition du français leur permet de se qualifier auprès des ordres professionnels québécois, de trouver un emploi dans leur discipline ou de refaire des études universitaires, mais aussi d’assurer le suivi scolaire de leurs enfants qui ont l’obligation de faire leur scolarité primaire et secondaire en français en vertu de la Charte de la langue française (Loi 101) adoptée en 1977 qui fait du français la langue officielle de l’État et des tribunaux au Québec. Le français devient donc la langue normale et habituelle au travail, dans l’enseignement, dans les communications, dans le commerce et les affaires. C’est un Québec dont la seule langue officielle est le français dans un Canada qui reconnait deux langues officielles : le français et l’anglais.
Malgré leur détermination à pratiquer le français, ces personnes immigrantes rencontrent peu d’étudiants francophones sur le campus. Par leurs nombreux témoignages, force est de constater que les personnes immigrantes qui ont l’obligation d’apprendre le français n’ont pas l’occasion de le parler avec les Québécois de la société d’accueil ni de développer un réseau d’amis ou de connaissances. En contrepartie, cette situation démontre que les francophones québécois aussi ratent l’occasion de mieux comprendre les nombreux défis (linguistiques, culturels, sociaux, économiques, parfois religieux) rencontrés par ces personnes immigrantes aussi bien que celle de développer leurs compétences de communication interculturelles (nous y reviendrons dans la section 4.4. Les compétences de communication transculturelles).
Un deuxième constat montre qu’une personne, qu’elle soit née au Québec ou ailleurs, a toujours quelque chose à apprendre de l’autre. Conséquemment, les professeurs ont proposé ces échanges interculturels à leurs étudiants de premier cycle universitaire, mais parfois de deuxième cycle, afin qu’ils sortent de leur zone de confort, qu’ils découvrent la richesse de la diversité et qu’ils aient l’occasion de partager leur langue et leur héritage culturel. On parle de jumeaux et jumelles parce que ce sont les points en commun qui sont mis de l’avant bien que nous soyons bien conscients des défis rencontrés par les différences culturelles, ethniques, linguistiques, sociales ou religieuses.
Après deux projets pilotes, ces activités sont devenues obligatoires à la demande des étudiants dans le cadre de leurs cours. Ainsi, d’un côté, les étudiants immigrants ont rencontré des Québécois francophones pour pratiquer le français nécessaire à leur intégration. De l’autre, des Québécois francophones ont rencontré des personnes immigrantes pour mieux comprendre les défis que vivent les personnes immigrantes, ce qui a permis aux deux groupes de développer leurs compétences de communication interculturelles. Ces activités de jumelage ont été réalisées dans plusieurs programmes à l’UQAM, notamment, en éducation, en développement de carrière, en psychologie, en travail social, en sociologie et en communication (Guillot et Carignan, 2022).
Une étude expérimentale a montré que la formation à l’éducation interculturelle combinée aux activités de jumelage a eu pour effet de réduire le sentiment de menace culturelle des Québécois francophones en présence des Québécois anglophones, des Canadiens anglais et des Arabes musulmans entre le temps 1 et le temps 2. Un autre résultat a révélé que le sentiment de sécurité linguistique et culturelle des étudiants québécois francophones s’est accru durant la même période (Bourhis, Carignan et Sioufi, 2013). Sans surprise, autant dans le groupe contrôle que dans le groupe expérimental, les étudiants québécois francophones ont exprimé un biais proendogroupe en évaluant de manière plus favorable leurs propres groupes comparativement aux exogroupes. Ces résultats démontrent l’effet classique du biais proendogroupe obtenu dans les études intergroupes ailleurs dans le monde (Bourhis et Montreuil, 2004).
Preuve de leur reconnaissance, les jumelages interculturels ont reçu plusieurs mentions d’excellence : Fondation canadienne des relations raciales en 2005 et en 2018 et Médaille du jubilé de la Reine Élizabeth II en 20122. Un site internet bilingue (en français et en anglais) sur les jumelages interculturels a été mis en place en 2018 (www.jumelagesinterculturels.uqam.ca). Au fil du temps, les jumelages se sont multipliés à l’extérieur de l’UQAM dans d’autres universités, des collèges, des institutions postsecondaires, des écoles primaires et secondaires, des centres communautaires au Québec, aux États-Unis, en France, en Belgique, au Mexique et en Australie. Nos jumelages sont des projets dynamiques à géométrie variable. Ils ne sont pas des modèles fixes à implanter. Malgré qu’ils s’appuient sur certaines conditions gagnantes (Allport, 1954), les projets de jumelage doivent s’adapter aux participants et aux milieux dans lesquels ils évoluent (nous y reviendrons dans la section 5. Les différents types de jumelage).
3. Les objectifs différenciés pour les étudiants francophones et les personnes immigrantes
Pour les étudiants francophones, le jumelage permet de travailler avec des personnes aux origines variées qui sont des parents d’enfants fréquentant les écoles primaires et secondaires, de se préparer à travailler dans des classes avec des élèves issues de l’immigration, de développer leurs compétences de communication interculturelles ainsi que de partager, avec leurs jumelles et jumeaux, l’histoire, la langue et la culture du Québec. D’autre part, pour les étudiants immigrants apprenant le français inscrits dans les cours de langue (lecture, écriture, prononciation, conversation, communication orale et écrite), le jumelage donne l’occasion de pratiquer leur français dans des situations quasi authentiques, de mieux comprendre les codes socioculturels de leur société d’accueil, de rencontrer de futurs enseignants qui les initient aux caractéristiques et aux exigences de l’école québécoise et aussi de développer leur réseau social dans leur nouvelle société.
Dans cette ambiance de solidarité et de collaboration, les étudiants jumelés s’identifient à des jumeaux et des jumelles parce que l’emphase est mise sur la reconnaissance des points partagés aussi bien que sur le respect des points divergents (Deraîche, Guillot et Carignan, 2018).
Bien qu’ils soient inscrits dans des programmes différents, les étudiants jumelés acquièrent ensemble des habiletés de communication interculturelles, apprennent à comprendre leurs différences et leurs ressemblances sans juger ni se sentir jugés, et saisissent l’importance de construire une identité nationale commune visant une meilleure cohésion sociale.
En ce qui concerne les aspects plus concrets de la réalisation des jumelages, les professeurs mettent en place des dispositifs qui permettent aux étudiants de se rencontrer parfois dans la salle de classe, mais aussi à l’extérieur. À titre d’exemple, les étudiants sont encouragés à faire des activités culturelles, sociales ou sportives ce qui permet de promouvoir des rencontres extrascolaires. Selon les objectifs de leur cours, les professeurs peuvent exiger d’une à quatre rencontres par trimestre. Il arrive que des étudiants de leur propre initiative ajoutent des rencontres. Il arrive aussi que des sympathies ou amitiés se développent et qu’ils s’invitent mutuellement dans des fêtes de famille.
Avec le temps, ces rencontres entre jumelles et jumeaux deviennent plus qu’un travail scolaire crédité : ces rencontres deviennent une nouvelle réalité dans la vie de nos étudiants, un élargissement de leurs réseaux sociaux. À titre d’exemple, nous avons découvert que pour les étudiants futurs enseignants, les jumelages ont eu un effet indirect et inespéré. Durant leur formation universitaire, ils apprennent à communiquer avec des parents issus de l’immigration. Ils apprennent aussi à démystifier et à apprécier les défis de la diversité. Nous avons eu le bonheur de découvrir la richesse de leur apprentissage à la lecture de leurs travaux de fin de trimestre, tels que des comptes rendus, des travaux écrits, des journaux de bord ou des carnets de réflexion, des reportages photo ou vidéo, des entrevues, des présentations ppt ou par affiche. Nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que les effets des jumelages perdurent dans le temps et pour combien de temps, mais une chose est certaine, les effets de ces rencontres intergroupes lors des jumelages sont réels et perdurent tout le long de leur formation universitaire. Ces expériences ont sensibilisé nos étudiants à une réalité dont ils ignoraient l’existence.
4. Les perspectives théoriques qui soutiennent les jumelages interculturels
C’est en présentant les différents modèles ou approches que les effets des jumelages sur les participants pourront être expliqués. Six perspectives théoriques sont présentées : l’hypothèse de contact (4.1); le modèle de vitalité ethnolinguistique qui met de l’avant le développement des langues, des cultures et des identités (4.2) ; le modèle d’acculturation interactif (MAI) qui permet de comprendre les différents types de réactions des porteurs de culture dans leur communication interpersonnelle et interculturelle (4.3); l’apprentissage par la tâche (task-based approach) dans une classe de langue qui permet l’acquisition de notions langagières et culturelles dans un mode expérientiel (4.4); le modèle des compétences de communication transculturelles proposées qui met de l’avant l’apprentissage des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être des apprenants et des participants jumelés (4.5). Enfin, la perception des accents/langues valorisés/dévalorisés » replace en contexte l’importance de créer de nouvelles stratégies de communication interpersonnelle et interculturelle afin de mieux se comprendre mutuellement (4.5). Ces modèles de référence servent de cadre théorique différencié selon les milieux et les contextes, les types et les objectifs de cours en langue ou autres formations disciplinaires et selon les étudiants visés.
4.1. L’hypothèse de contact
Le modèle théorique de l’hypothèse de contact proposé par Allport (1954) et celui de l’équipe de Dovidio et al. (2005) fournissent un cadre de référence solide pour soutenir les activités de jumelage en favorisant un climat de confiance mutuelle et en permettant de débusquer les zones de tensions et de méfiance rendant des contacts interculturels problématiques ou conflictuels. Ils permettent de reconnaître de part et d’autre la diversité et la richesse des langues et de l’héritage des porteurs de culture qu’ils fassent partie d’un groupe majoritaire ou minoritaire.
Plus spécifiquement, l’hypothèse de contact permet de renforcer la compréhension mutuelle et de réduire les préjugés et la discrimination qui alimentent le sentiment de menace, les antagonismes et les hostilités. Les trois conditions gagnantes proposées par Allport (1954) contribuent à la pertinence et à l’efficacité des jumelages interculturels. Ainsi, les participants issus autant de la majorité que des minorités se reconnaissent mutuellement, favorisent la coopération vers un objectif commun, et sont soutenus par l’équipe de professeurs et par l’institution qui défend des normes sociales d’égalité, d’équité et d’inclusion inscrites dans les règlements statuaires.
De plus, notre modèle s’appuie sur l’ajout de deux autres conditions proposées par Dovidio et al. (2005) : celle qui favorise l’amitié entre les membres de différents groupes (intergroupes) et celle qui encourage les contacts avec plusieurs membres d’un autre groupe culturel pour éviter que la rencontre avec un seul membre d’un groupe culturel soit perçue comme l’exception qui confirme la règle. Ainsi, les participants saisissent qu’il y a une diversité de personnes dans tous les groupes. Autrement dit, pour les participants au jumelage, la diversité devient la norme et non l’exception.
4.2. Le modèle de vitalité ethnolinguistique
Selon Bourhis et Landry (2012), la notion de vitalité ethnolinguistique sert d’outil conceptuel pour analyser les variables sociostructurelles qui affectent la force des communautés linguistiques en contact l’une avec l’autre dans les sociétés multilingues. Pour Giles, Bourhis et Taylor (1977), la vitalité d’une communauté est ce qui rend un groupe susceptible de fonctionner comme entité distincte et dynamique dans les contextes où il y a des interactions entre les groupes. Plus la vitalité d’une communauté linguistique est forte, plus elle a de chances de survivre et de se développer comme collectivité en contact et en présence d’autres communautés linguistiques. Inversement, plus la vitalité d’une communauté linguistique est faible, plus elle risque de diminuer, voire de disparaître comme collectivité distincte.
Les trois dimensions qui influencent la vitalité d’une communauté linguistique sont la force démographique, le soutien institutionnel qui correspond au niveau du pouvoir et du contrôle de ses institutions ainsi que le statut social (faible ou élevé; valorisé ou dévalorisé) qui est relié à la reconnaissance de l’estime des groupes linguistiques en contact les uns par rapport aux autres (Bourhis, Sioufi et Sachdev, 2012; Bourhis et Carignan, 2022). Ce modèle permet de comprendre certaines de ces dynamiques qui sont en jeu lors des jumelages interculturels. Les exemples de jumelage qui sont présentés dans la cinquième section en sont un témoin éloquent puisqu’ils mettent de l’avant la diversité des langues, des cultures et des porteurs de culture comme un enrichissement et non comme une source de problèmes.
4.3. Le modèle d’acculturation interactif (MAI)
Le modèle d’acculturation interactif (MAI) rend compte du processus qui s’active lorsque deux groupes ethnoculturels se trouvent en contact soutenu et direct l’un avec l’autre et que ce contact entraîne des changements culturels des groupes en présence (Berry, 1997, 2022; Bourhis et Carignan, 2022). L’acculturation, qui se produit rarement entre deux groupes de pouvoir et de statuts égaux, affecte davantage des minorités vulnérables ou issues de l’immigration face à un groupe majoritaire (Bourhis et El-Geledi, 2010). Ces changements peuvent être psychologiques, culturels, linguistiques et religieux tant chez les majoritaires que les minoritaires.
Le modèle MAI inclut trois composantes : 1) les trois orientations d’acculturation véhiculées par les membres de la société d’accueil envers des minorités; 2) les orientations d’acculturation véhiculées par les minoritaires envers les majoritaires; et 3) les conséquences relationnelles qui en découlent (Bourhis, Moïse, Perreault et Senécal, 1997).
Ces orientations, tant pour les majoritaires que pour les minoritaires, réfèrent à une combinaison d’attitudes, de croyances et d’intentions de comportement qui influencent les façons de penser, de juger l’autre et d’agir des individus. Ces orientations peuvent s’appuyer sur un continuum idéologique allant du pluralisme au sens civique, de l’assimilationnisme ou de l’exclusionnisme. Par exemple, lors des activités de jumelage interculturel à l’UQAM, des participants du groupe majoritaire (les Franco-Québécois) et ceux des groupes minoritaires (les immigrants issus de diverses provenances) se rencontrent, échangent et peuvent être confrontés dans leur vision du monde. Ils apprennent à se décentrer, à recontextualiser leurs idées et leurs opinions et à fabriquer du nouveau sens dans un nouveau contexte.
Les jumelages ne laissent personne indifférent (Doucerain, 2022). Suivant la posture idéologique des participants et pour tous les types de jumelage interculturel, le modèle MAI aide à comprendre que les relations qu’ils développent entre eux peuvent être harmonieuses, parfois problématiques, voire conflictuelles (Bourhis et Carignan, 2022). Conséquemment, les participants constatent que l’expérience de jumelage influence autant les majoritaires que les minoritaires dans leurs façons de penser, de juger l’autre et d’agir en les exposant à une combinaison d’attitudes, de croyances et d’intentions de comportement.
4.4. L’apprentissage par la tâche (task-based approach) dans une classe de langue
Comme le présentent Lamoureux et Deraiche (2022), l’approche par la tâche, qui est particulièrement axée sur la communication et l’interaction (Skehan, 1998; Ellis, 2003), se fonde sur l’exposition à la langue et son utilisation libre (Hismanoglu et Hismanoglu, 2011). En d’autres mots, pour apprendre une langue, les apprenants ont besoin d’y être exposés de multiples façons et dans différents contextes, et également de porter attention non seulement sur les formes linguistiques, mais sur le sens.
Conséquemment, plus les apprenants utilisent la langue qu’ils apprennent dans un milieu sécuritaire (safe space) où il est permis de faire des erreurs, d’expérimenter différentes formulations ou de débattre d’idées controversées, plus ils acquièrent des automatismes, de la spontanéité, de l’assurance, de l’aisance et de la motivation. Pour Ellis (2017), une tâche doit considérer que l’apprenant dans une classe de langue est encouragé à utiliser la langue qu’il doit apprendre, à comprendre le sens des mots, à transmettre une idée ou une opinion, et à compter sur son bagage culturel et ses propres ressources qu’elles soient linguistiques ou non.
En résumé, la tâche est une activité qui vise un but pour atteindre un résultat concret ancré dans des situations quasi authentiques de la vie quotidienne. Dans cette approche, les enseignants choisissent les tâches appropriées aux niveaux et aux besoins des apprenants en vue de les préparer à les réaliser. Et ces besoins sont particulièrement importants dans le cas des personnes immigrantes adultes qui doivent apprendre la langue de leur nouvelle société d’accueil afin de s’y intégrer, d’assurer le suivi scolaire de leurs enfants et d’y participer activement.
La formule des jumelages interculturels est tout à fait indiquée pour expérimenter l’apprentissage de la langue par la tâche (task-based approach) dans une classe de langue que ce soit lors des jumelages par entrevue (5.1), entre les cégépiens qui apprennent la FL2 ou EL2 dans différents cours (5.2), ou encore de l’exploration de l’espace urbain (5.3) ou encore l’apprentissage d’une langue étrangère comme dans le cas de l’échange entre les étudiants canadiens et japonais (5.4).
4.5. Les compétences de communication transculturelles
Dans le contexte mondial de mobilité accrue entre les pays, le développement de compétences de communication interculturelles et transculturelles s’avère crucial pour tous les acteurs concernés. Pour Fantini (2000), les compétences de communication transculturelles réfèrent à la conscience de soi et de l’Autre, au développement des connaissances, des attitudes positives face à d’autres cultures, des habiletés communicationnelles et langagières adéquates dans la langue cible. Pour Lussier et Amireault (2022), les composantes des compétences de communication interculturelles (CCI) impliquent de pouvoir performer linguistiquement et interculturellement de façon adéquate dans une autre langue et dans une autre culture. Idéalement, les CCI invitent un individu à développer l’habileté de découvrir des ressemblances, mais également à apprendre l’acceptation des différences (savoirs). Les CCI permettent à un individu d’agrandir le spectre des stratégies pour dénouer ou pour affronter de façon habile les incompréhensions et les confrontations. Interagir efficacement à travers les cultures qu’elles soient majoritaires ou minoritaires signifie que les individus doivent apprendre à dialoguer et à négocier (savoir-faire et savoir-être en synergie).
Les dimensions des compétences de communication transculturelles comprennent : 1) la capacité de comprendre et d’être empathique à d’autres cultures; 2) l’appropriation critique impliquant la clarification des valeurs et la capacité de les interpréter, et 3) l’interprétation transculturelle comportant une perspective dynamique des communications, de la globalisation et de l’évolution des défis mondiaux. De plus, dans le contexte de l’apprentissage d’une langue, l’apprenant est invité à transcender les particularismes, à acquérir de nouvelles connaissances, à ajuster des comportements qui seraient inadéquats, et à valoriser des attitudes positives à l’égard de l’altérité.
Le développement de compétences de communication interculturelles et transculturelles vise ultimement à établir des contacts respectueux et empathiques entre les apprenants issus de différentes cultures (Carignan, Deraîche et Guillot, 2015). Les CCI donnent accès à des expériences positives qui favorisent l’ouverture à des personnes issues de différentes cultures et qui, en retour, contribuent à l’enrichissement de sa propre identité culturelle (García, 2022).
Les sept projets expliqués dans la section suivante montrent bien que les jumelages interculturels sont un laboratoire privilégié pour développer les compétences de communication interculturelles, favoriser la reconnaissance mutuelle et contribuer à la justice sociale (Balyasnikova et Kubota, 2022). C’est ce qu’ont montré les jumelages proposés ici : les jumelages par entrevue dans différentes institutions et contextes (5.1, 5.2 et 5.4), par observation directe et active dans le paysage urbain (5.3), en ligne (5.5), entre des étudiants au Québec à 1000 km de distance (Montréal-Côte-Nord).
4.6. La perception des accents/langues valorisés/dévalorisés
Les enjeux autour de la perception de l’accent et le rôle qu’il joue dans les milieux de travail sont complexes et nécessitent d’examiner de plus près la nature des accents étrangers. Foote (2022) a décrit que le fait que quelqu’un ait de la difficulté à comprendre l’accent d’une autre personne peut être un grand défi dans les milieux de travail. Cependant, les défis autour de l’accent ne sont pas nécessairement une question de compréhension. Une communication réussie comporte deux aspects : les difficultés d’intelligibilité d’un locuteur L2 sont associées à la fois aux caractéristiques du discours lui-même et à celles de l’auditeur.
Malheureusement, c’est la personne qui a un accent étranger qui se sent responsable de l’échec de la communication et qui porte le poids des conséquences des communications ratées dans le milieu du travail. Conséquemment, le commentaire d’une personne, qui évoquerait l’accent d’un locuteur qui différerait de l’accent standard du locuteur natif, comme la norme à viser, pourrait refléter les préjugés et la discrimination basés sur l’accent de ce locuteur.
Dans ce sens, Miras (2021) rappelle que sa propre conception de la prononciation en langues étrangères dans le cadre d’une médiation de la prononciation s’oppose au paradigme de la « phonétique corrective ». Il propose de considérer tout dispositif comme centré sur le développement d’une agentivité de l’apprenant qui pourra définir ses propres objectifs et choisir ses propres normes pour construire son identité translangagière. Ainsi, l’enseignant devient une personne médiatrice dans le développement de cette responsabilité.
Au-delà de la perception négative des accents étrangers, Foote (2022) rappelle l’importance de créer de nouvelles stratégies de communication interculturelle pour les employés avec différents accents. Afin d’apprendre à mieux se comprendre mutuellement, la proposition de jumelages interculturels dans les milieux de travail est tout à fait indiquée.
En résumé, les différents modèles ou approches permettent d’expliquer une diversité d’effets des jumelages sur les participants jumelés.
5. Les différents types de jumelage
Comme nous l’avons évoqué dans les lignes qui précèdent, nos sociétés ne cessent d’être interpelées par la diversité des langues en présence, par la valorisation ou le rejet des cultures et par la ténacité ou la perte des mémoires collectives ce qui soulève des enjeux autour de la complexité de la construction des identités multiples. Les différentes formules de jumelage proposées ici répondent à ces préoccupations. Favorisant les contacts intergroupes, plusieurs types d’activités de jumelage en action ont été réalisés notamment, dans le cadre du monde du travail, dans des milieux scolaires et des groupes communautaires lesquelles contribuent à développer la sensibilité interculturelle. Les jumelages présentés dans la section suivante s’appuient sur les perspectives théoriques et conceptuelles vues dans la section précédente. Tous les prétextes sont valables pour proposer des jumelages interculturels à des participants. Ils permettent ainsi d’améliorer la qualité de la communication interculturelle. Les sept exemples de jumelage interculturel évoqués ci-dessous ont eu lieu entre 2014 et 2023.
5.1 Des jumelages par entrevue
Des jumelages par entrevue ont été organisés à l’université entre des étudiants en psychologie et des personnes immigrantes inscrits dans un cours de phonétique (Blanchet et Bourhis, 2015). Les étudiants en psychologie ont préparé des questions pour mieux comprendre les défis du parcours migratoire de leurs jumeaux ou jumelles qui doivent apprendre le français pour s’intégrer à leur nouvelle société. De leur côté, les étudiants dans leur cours de phonétique ont répété des extraits de réplique de théâtre pour pratiquer la prononciation, l’accentuation, l’intonation, la prosodie ou l’expression avec des francophones. Chaque groupe disposait de 90 minutes pour faire l’activité d’échanges interculturels. Bien que le temps ait été limité, ces rencontres au moyen de l’entrevue ont eu un effet positif sur les étudiants. L’appréciation des étudiants en témoigne. Un étudiant en phonétique disait que :
c’était la première fois qu’il faisait une activité concrète avec un francophone et que ç’aurait été fantastique de pouvoir jouer la pièce avec les jumeaux francophones après coup parce que l’on a appris les expressions, les intonations et les nuances avec les francophones.
Des étudiants en psychologie ont révélé avoir été émus lorsque leur jumeau avait raconté qu’il était venu s’établir au Canada pour assurer un meilleur avenir à ses enfants et que rien ne vaut le contact direct avec la communauté d’accueil pour apprendre le français et réduire les préjugés (Bourhis, Carignan et Sioufi, 2015). Ces témoignages montrent le rôle important joué par les jumelages et la responsabilité partagée en ce qui a trait à l’intégration des personnes immigrantes.
Dans le contexte universitaire, d’autres jumelages entre étudiants apprenant le français et futurs enseignants de programmes techniques et professionnels ont été très signifiants (Balde et Carignan, 2021, 2019). Les jumelages entre francophones et hispanophones ont également permis de débusquer des préjugés, de bâtir des ponts et de contribuer à une meilleure cohésion sociale (Zapata et Carignan, 2012).
5.2. Des jumelages interculturels entre des cégépiens au Québec
Plusieurs rencontres de jumelage interculturel ont été organisées dans les cégeps qui sont des institutions d’enseignement postsecondaire comportant deux profils : 1) formation générale menant à des études universitaires, et 2) formation professionnelle et technique menant au marché du travail. Un des jumelages marquants a eu lieu entre des étudiants francophones apprenant l’anglais dans un cégep francophone situé en région à 175 km de Montréal et des étudiants anglophones apprenant le français dans un cégep anglophone de Montréal. Les rivalités historiques entre les deux groupes ont laissé des marques profondes dans leurs relations intergroupes relativement à la perception du français pour les uns et de l’anglais pour les autres : les deux langues officielles au Canada (Gagné et Popica, 2017).
Des jumelages ont été organisés relativement à l’apprentissage par l’engagement communautaire (Popica, 2019) et au développement d’une taxonomie sociodidactique des émotions en apprentissage des L2 (Gagné et Deveau, 2021). Des jumelages interculturels et intergénérationnels ont également été expérimentés (Gagné, Gagné et Dumont, 2022). Les résultats suggèrent que plus on a des amis de l’autre groupe linguistique et plus on leur parle dans la L2, moins on a d’anxiété en classe de langue.
Un étudiant anglophone témoigne :
He will remember not to prejudge people before he even get to meet them and get to know them. Before this experience, he thought francophones were rude and angry people. But once he met with their twins, he realized he was wrong, very wrong.
D’autre part, un cégépien francophone a réalisé que :
ses jumeaux anglophones étaient très semblables (à lui) et qu’il n’avait pas à traiter les personnes de cultures différentes de manière différente… Cela a complètement démoli tous les préjugés qu’il avait sur les anglophones (Gagné et Popica, 2017).
D’autres jumelages interlinguistiques tout aussi concluants ont eu lieu entre des étudiants inscrits en sciences infirmières dans des cégeps francophones et anglophones de Montréal (Papin, 2019). Des jumelages interculturels et interinstitutionnels ont été expérimentés entre des étudiants d’un cours de sociologie en techniques policières dans un cégep francophone et des étudiants en francisation dans une école secondaire pour adultes à Montréal (Tisserant, Achi et Carignan, 2020).
Des échanges linguistiques ont été expérimentés non seulement dans des institutions préuniversitaires, mais aussi entre des jeunes francophones et anglophones fréquentant une école secondaire située à l’extérieur de Montréal. Les responsables de ces rencontres ont pu tracer le profil des apprenants ce qui a permis de mieux répondre à leurs besoins afin de bonifier leur formation. De plus, ce programme a pu contribuer au développement du bilinguisme français-anglais des jeunes et enrichir des contacts intergroupes positifs transcendant la réalité de ces systèmes scolaires traditionnellement divisés (Côté, Lamarre et Lavoie, 2022).
5.3. Un jumelage interculturel en communication : pour décoder le paysage urbain
Les étudiants d’un cours de communication ont été invités à visiter des quartiers de la ville de Montréal en compagnie d’un groupe d’étudiants issus de l’immigration et apprenant le français (Montgomery et Deraîche, 2022). Les équipes d’étudiants jumelés ont documenté leur visite en prenant des photos et en commentant les traces écrites de la diversité interculturelle dans l’espace urbain de Montréal. Il est intéressant de constater que les francophones ont plutôt vu la présence de la diversité des messages écrits dans différentes langues dans l’espace public comme une menace à la préservation de la culture française.
Par contre, les étudiants immigrants apprenant le français y ont vu la reconnaissance de la richesse de la diversité culturelle et la cohabitation paisible des diverses communautés dans l’espace urbain. Ce jumelage a permis à la fois un échange d’idées très fructueux entre les différentes perceptions et représentations sociales de la diversité et l’expression d’opinions différentes dans le respect mutuel.
5.4. Un jumelage interculturel en ligne entre étudiants canadiens et japonais
Des jumelages en ligne entre des étudiants d’une classe de langue anglaise apprenant dans une université japonaise et des étudiants d’une classe de langue japonaise fréquentant une université canadienne ont permis de constituer des communautés de pratiques (Akai, 2022). Ces jumelages ont permis : 1) de communiquer en ligne dans leur langue cible, 2) d’accroître leur connaissance et leur compréhension de leur propre langue en plus de leur langue cible, et 3) d’aider leurs partenaires dans l’apprentissage de la langue cible et de la compréhension interculturelle.
Selon l’auteur, en plus de développer le pluralisme culturel et des rapports intergroupes harmonieux, les étudiants : 1) ont construit une communauté de pratiques pour supporter leur apprentissage de la langue et de la culture, 2) ont partagé leurs intérêts communs, 3) développé des amitiés, et 4) ont échangé les idées dans un espace sécurisant (safe space). Le bénéfice de ce jumelage interculturel en anglais et en japonais langue étrangère (EFL) a été d’habiliter des étudiants à l’éveil favorisant la construction d’une communauté identitaire imaginée (Imagined Community) (Akai, 2022).
5.5. Les jumelages interculturels en ligne
La technologie du Virtual Team Teaching (VTT) permet de connecter et partager le microclimat des classes (Loewen, 2022). Un de ces jumelages a été réalisé en regroupant des étudiants anglophones d’une classe de sociologie localisée à Montréal et ceux d’une classe d’étudiants en sciences humaines, majoritairement francophones, incluant des étudiants autochtones localisés dans une région éloignée à 1000 km de Montréal. Les discussions entre les étudiants ont permis de faire émerger la situation vécue par les autochtones au Canada et le traumatisme associé à la fréquentation des pensionnats indiens. Les interactions dans ce microcosme de la classe ont permis de comprendre les liens avec l’histoire canadienne. Malgré les différentes visions du monde partagées par les étudiants, ils ont pu saisir leurs ressemblances et leurs différences créant de nouveaux espaces pour établir le dialogue (Coyle et Larocque, 2022). Avec les jumelages interculturels en ligne, la distance entre les participants est relativisée.
5.6. Les jumelages interculturels entre une université et un centre communautaire à Toronto
Ce jumelage regroupe deux institutions de Toronto (Canada) : des personnes immigrantes non scolarisées d’un centre communautaire et des étudiants de deuxième cycle universitaire. Ces jumelages ont mis en évidence des résultats autant attendus qu’inattendus. D’une part, pour les étudiants de maîtrise, le but originel était de pouvoir développer des outils pour bonifier leurs expériences en recherche expérimentale. D’autre part, pour les apprenants du centre communautaire, c’était de profiter des occasions d’apprendre l’anglais comme langue additionnelle et pour les intervenants d’acquérir une meilleure compréhension des compétences de base à enseigner (soft skills) (telles que la résolution de problème, la pensée critique, l’organisation du travail d’équipe, la créativité, l’adaptabilité, entre autres). De plus, les effets inattendus des jumelages ont permis de constater que les étudiants chercheurs en maîtrise dont l’anglais n’est pas leur L1 devaient améliorer certains aspects de leur anglais, comme langue académique. Les collaborateurs ont été agréablement surpris des résultats étant donné la différence de culture organisationnelle entre les deux institutions et la diversité socioculturelle des participants.
5.7. Le jumelage entre des étudiants allophones en FL2, en travail social et en carriérologie
À l’Université du Québec à Montréal (UQAM), les auteurs, Bertrand, Berteau, Martiny et Desaulniers (2022) proposent un jumelage interdépartemental qui se caractérise par des rencontres en groupe restreint selon le modèle de l’aide mutuelle. Les participants proviennent de trois programmes : des étudiants allophones3 apprenant le français à l’École de langues, des étudiants majoritairement francophones en travail social et en carriérologie. La réciprocité qui est au cœur de l’action permet aux étudiants d’apprendre les uns des autres aussi bien sur le plan personnel que dans leurs disciplines respectives. Pour les étudiants en travail social et en carriérologie, le jumelage est rattaché à leurs cours obligatoires sur l’apprentissage du travail de groupe. Les contenus disciplinaires s’enseignent de façon intégrée en permettant aux étudiants concernés de concevoir, d’animer et d’évaluer une courte intervention de travail de groupe.
Plus spécifiquement, les étudiants apprennent à considérer les besoins d’une population déterminée lors d’une intervention favorable à l’aide mutuelle dans un groupe. D’autre part, pour les étudiants allophones apprenant le français langue seconde (compréhension, lecture, communication orale et écrite), le jumelage leur donne l’occasion de partager l’information, d’échanger les points de vue, de résoudre des problèmes quotidiens et d’expérimenter le sentiment du vivre en communauté. Enfin, ce travail de groupe contribue à établir des ponts entre étudiants de culture et de langue différentes. Étant donné que le contexte universitaire n’est pas toujours favorable au rapprochement entre étudiants de différentes provenances et qu’ils n’ont pas tendance à se côtoyer, ce jumelage favorise pour tous les étudiants y participant, l’apprentissage du lien et du soutien social.
6. Conclusion
Ce texte nous a d’abord permis de présenter la chronologie des événements relativement aux jumelages interculturels à l’Université de Québec à Montréal (UQAM) et les objectifs différenciés pour les étudiants francophones de différentes disciplines et les personnes immigrantes apprenant le FL2. Une diversité de perspectives théoriques servant d’assise aux jumelages interculturels a été présentée. L’hypothèse de contact développée par Allport (1954) a permis de renforcer la compréhension mutuelle et de réduire les préjugés et la discrimination qui alimentent le sentiment de menace, les antagonismes et les hostilités. Successivement, le modèle de vitalité ethnolinguistique, le modèle d’acculturation interactif (MAI), l’apprentissage par la tâche (task-based approach) dans une classe de langue, les compétences de communication interculturelles et transculturelles ainsi que la perception des accents/langues valorisés/dévalorisés ont été définis.
S’appuyant sur ces modèles, plusieurs types d’activités de jumelage en action sont présentés dans différents contextes tels que dans le cadre du monde du travail, de milieux secondaires et postsecondaires en plus de groupes communautaires. Favorisant les contacts intergroupes, les jumelages sont des pratiques pédagogiques qui ont été transformatoires parce qu’elles ont contribué à développer la sensibilité interculturelle des participants.
Comme nous l’avons dit plus haut, dans cette ambiance de solidarité et de collaboration, les étudiants jumelés s’identifient à des jumeaux et des jumelles parce que l’accent est mis sur la reconnaissance des points partagés aussi bien que sur le respect des points divergents. Ainsi, les jumelages ne sont pas seulement des jumelages linguistiques, ils sont des jumelages intraculturels, interculturels et transculturels qui contribuent à construire des interactions individuelles et des relations intergroupes harmonieuses.
Mais le travail n’est pas terminé. Nos sociétés sont sans cesse interpelées par les questions de cohabitation de la diversité des langues, de valorisation des cultures et de ténacité des mémoires collectives ce qui soulève des enjeux d’identités multiples. Comme le rappelle Azémar (2022), les sociétés qui accueillent doivent poursuivre leurs efforts d’intégration des personnes immigrantes afin de leur permettre de participer à la construction d’une société plus équitable et inclusive et, ainsi promouvoir le vivre ensemble.
Pensant avoir rédigé le dernier paragraphe de ce texte, un ami m’envoie un article de Rose-Aimée Automne T.-Morin (2024), journaliste au quotidien La Presse. Elle y aborde la question de l’apprentissage du français pour les personnes immigrantes nouvellement arrivées au Québec. Je ne pouvais trouver mieux pour conclure, pour souligner la nécessité de la rencontre pour apprendre une langue, pour apprendre une société aussi, autant celle des accueillants que celle des accueillis, pour saisir les défis de celles et ceux qui veulent /doivent apprendre la langue de la société d’accueil, pour rappeler que l’apprentissage d’une langue ne peut se cantonnée aux salles de cours, pour rappeler l’importance de multiplier les outils et lieux d’apprentissage, et enfin, à saluer celles et ceux qui « souhaitent maîtriser la langue de ce chez-nous devenu leur chez-elles ».