Foyers, intimités et familles : les telenovelas vénézuéliennes face aux mutations domestiques (1980-1992)

  • Homes, Intimacies and Families: Venezuelan Telenovelas and Domestic Transformations (1980-1992)

Résumés

Lorsque la télévision arrive au Venezuela en 1952, de célèbres mélodrames radiophoniques sont adaptés par ce nouveau média. Au fil des décennies, ces productions passent de produits artisanaux au statut de programmes les plus emblématiques de l’industrie culturelle latino-américaine. Centrées sur l’amour romantique, les telenovelas sont immergées dans un tourbillon de passions, de mésaventures et de larmes. Nous réfléchissons à la possibilité que, tout comme les séries télévisées, ces productions puissent nous renseigner sur les sociétés qui les produisent. Pour cela, nous adoptons une méthodologie issue des études sur les séries TV, permettant d’établir des liens entre le « monde de la fiction » et le « monde social ». Nous nous appuyons sur les travaux de la sociologue Sabine Chalvon-Demersay, qui considère ce type de fiction comme un observatoire des évolutions de la société. Pour enrichir notre approche, nous complétons cette méthode avec celle proposée par la chercheuse Sarah Lécossais. Cela nous permet d’entrer dans le monde « fictif », tout en prenant du recul pour observer les personnages comme participants à des discours et des politiques de reproductions plus vastes. Il s’agit donc d’un va-et-vient entre la « fiction » et la « réalité » pour observer les changements des relations intimes et familiales, tout en réfléchissant à la représentation du domestique comme un lieu de contestation des rapports de pouvoir. Notre corpus est constitué des trois telenovelas : Las Amazonas (1985), Rubi Rebelde (1989) et Por estas calles (1992-1994).

When television arrived in Venezuela in 1952, popular radio melodramas were adapted to this new medium. Over the decades, these productions evolved from artisanal creations into programs that became iconic within the Latin American cultural industry. Centered on romantic love, telenovelas are immersed in a whirlwind of passion, misfortune, and tears, and have been adapted countless times. We propose that, much like television series, these productions can offer insights into the societies that produce them. To explore this, we adopt a methodology from TV series studies, allowing us to establish connections between the 'world of fiction' and the 'social world.' We draw on the work of sociologist Sabine Chalvon-Demersay, who views this type of fiction as a privileged observatory of societal changes. To further enrich our approach, we integrate the methodology proposed by researcher Sarah Lécossais. This approach allows us to enter the 'fictional' world while stepping back to view characters as participants in broader discourses and politics of representation. It thus creates a back-and-forth between 'fiction' and 'reality' to observe changes in intimate and family relationships, while reflecting on the representation of the domestic sphere as a site of contestation of power dynamics. Our corpus consists of three telenovelas: Las Amazonas (1985), Rubi Rebelde (1989), and Por estas calles (1992-1994).

Plan

Texte

1. Notes introductives sur la telenovela

À travers les fictions télévisuelles mélodramatiques connues sous le nom de telenovelas, l'Amérique latine « a créé sa propre manière de raconter des histoires »1* (Rincón 2006 : 48). Depuis leurs débuts dans les années 1950, ces feuilletons se sont imposés comme l'un des produits les plus emblématiques de l'industrie culturelle latino-américaine (Mazziotti 2004 : 91-93 ; Ramírez 2015: 289-356). Les telenovelas peuvent être décrites comme des récits fictionnels épisodiques relatant l'histoire d'amour d'un couple (hétérosexuel) qui, après avoir surmonté de nombreux obstacles, aboutit invariablement à une fin heureuse (Acosta 2010: 185-203; Acosta 2003: 269-294). Bien que conçus pour durer entre 120 et 200 épisodes, ces mélodrames peuvent être prolongés ou raccourcis en fonction de la réception au cours de leur diffusion.

À l'instar de son prédécesseur — le soap opera radiophonique né dans les années 1930 — la telenovela a été conçue pour divertir les femmes au foyer pendant qu'elles accomplissaient leurs tâches domestiques, en proposant des intrigues centrées sur l'univers féminin. Aux États-Unis, les premiers soap operas ont vu le jour dans un contexte de reconstruction économique, à la suite de la Grande Dépression de 1929, à une époque où la classe moyenne, en pleine expansion, accédait progressivement à la consommation de masse. Diffusés sur les ondes, ces programmes étaient financés par des grandes entreprises comme Colgate-Palmolive, spécialisées dans les produits ménagers et d’hygiène. Ce modèle de parrainage est à l’origine de l’expression « soap opera » ou « opéra de savon », ces fictions servant de vecteurs publicitaires auprès des foyers nouvellement équipés de ce média (Allen 1985 : 9).

Si l’on retrace les filiations culturelles du genre, c'est toutefois la radionovela, née à Cuba durant la période prérévolutionnaire et diffusée par la station CMQ de La Havane, qui a exercé la plus grande influence sur son développement. Avant l’arrivée des premiers soap operas sur l'île, les lectures à haute voix dans les fabriques de tabac avaient déjà cultivé chez le public un goût pour les récits oraux et épisodiques (Uribe 1992 : 122). Ces fictions, centrées sur les relations interpersonnelles et sentimentales, ont rapidement été transposées de la radio à la télévision avec l'émergence de ce nouveau média au milieu du xxe siècle. En s’appuyant sur les techniques narratives déjà exploitées à la radio et, bien avant, dans le roman-feuilleton, les récits laissaient des intrigues en suspens pour inciter les téléspectateurs à suivre la suite de l’histoire.

Dans les telenovelas, centrées sur l'amour romantique, tous les aspects de la vie se trouvent subordonnés à la sphère émotionnelle et domestique, d'où émergent les principales intrigues. Dépourvues d’un développement narratif approfondi de leurs aspirations professionnelles, les héroïnes sont principalement représentées comme conjointes et responsables du bien-être familial. Bien que la présence des enfants soit limitée dans le récit, leur apparition met en lumière des aspects importants du travail parental et de la dynamique familiale au sein de ces foyers fictifs. La vie quotidienne est représentée avec une grande minutie, permettant aux téléspectatrices de suivre les personnages aussi bien dans des situations triviales que lors de moments plus formels, et ce sur de longues périodes. Des scènes telles que l’exécution des tâches domestiques, les repas en famille et les activités récréatives avec les enfants ne sont pas seulement récurrentes, mais occupent également une place centrale dans les intrigues.

La telenovela, en s’appuyant sur ces représentations minutieuses de la vie quotidienne, développe une structure narrative qui lui permet de s’étendre sur plusieurs mois, voire des années. Bien qu’elle ne corresponde pas entièrement au format de la série télévisée, elle possède une dimension temporelle qui fait d’elle un produit culturel sériel2. Si la diversité des situations représentées peut avoir une correspondance avec le monde réel, la fiction télévisuelle n’a pas pour vocation d’être un simple reflet de la société. Les spécialistes suggèrent plutôt de la considérer comme une « source de connaissance sur le monde social » et de la percevoir comme une interprétation ou une version construite de la réalité (voir Lécossais 2015, Macé 2006).

En partant de cette approche, nous allons envisager la représentation du domestique non seulement comme un espace de réflexion sur les structures familiales, mais également comme un lieu d’élaboration et de contestation des rapports de pouvoir. La parentalité et les dynamiques familiales sont traversées par des enjeux politiques qui reflètent les transformations sociales, économiques et culturelles. Les telenovelas Las Amazonas (1985, Venevisión), Rubi Rebelde (1989, RCTV) et Por estas calles (1992-1994, RCTV), choisies pour cette analyse, mettent en scène des modèles parentaux qui, bien que conformes aux attentes sociales de l’époque, introduisent également des éléments de rupture.

Notre corpus s’inscrit dans une dynamique portée par les deux principales chaînes commerciales du pays : Venevisión et RCTV, qui dominaient le marché de telenovelas et se livraient une concurrence acharnée pour capter l’audimat. Entre 1980 et 1992, période retenue pour cette recherche, les telenovelas ont connu au Venezuela un essor soutenu, tant sur le plan de l’industrie culturelle que de l’impact social. Le pays s’est alors imposé comme l’un des principaux exportateurs de telenovelas en Amérique latine, tout en demeurant un grand consommateur de ce type de productions. Une part significative de la programmation télévisuelle nationale était occupée par des feuilletons, qui ont su capter la faveur du public et laisser une empreinte durable dans l’imaginaire collectif.

La sélection des trois productions s’est opérée à partir d’un corpus initial beaucoup plus vaste, qui a été progressivement affiné jusqu’à identifier celles répondant à des critères précis : avoir obtenu des audiences élevées, avoir été diffusées en prime time, et proposer un développement substantiel des thématiques liées au couple et à la famille. Ces trois telenovelas illustrent des tendances stylistiques différentes au sein du genre, bien qu’il convienne de nuancer ces distinctions. Las Amazonas reprend la structure classique de la telenovela, tout en introduisant certains éléments de rupture narrative, notamment à travers de nouvelles représentations et une place plus importante accordée à l’action dans le récit. Rubí Rebelde, quant à elle, s’inspire du format traditionnel de la telenovela cubaine des années 1950, en particulier par son registre très mélodramatique et sa manière conservatrice de traiter les intrigues. Enfin, Por estas calle, opère une transformation notable du genre en y incorporant éléments de la réalité avec une forte dimension sociopolitique, ce qui a contribué à en faire une référence culturelle majeure dans le paysage télévisuel vénézuélien. Parallèlement aux intrigues amoureuses, Por estas calles articule plusieurs lignes narratives autour de la crise socio-économique qui traversait le pays au début des années 1990. Le choix de ces trois telenovelas permet ainsi d’inscrire l’analyse non seulement dans l’âge d’or du genre, mais aussi dans une décennie — les années 1980 — marquée par de profonds bouleversements sociaux et de graves crises économiques, caractérisées notamment par l’effondrement de la monnaie locale et par deux tentatives de coup d’État en 1992, qui ont modifié de manière significative l’orientation politique du pays.

Afin d’approfondir l’analyse de ces représentations domestiques dans notre corpus, nous mobilisons un cadre théorique inspiré des travaux de Sabine Chalvon-Demersay, pour qui les fictions sérielles constituent de véritables « observatoires des transformations sociales ». Les héros de ces récits fictionnels apparaissent ainsi comme des « acteurs sociaux » qui incarnent et interrogent les mutations sociales à l’œuvre dans la société (voir Chalvon-Demersay 2011, 2005). L’autrice souligne en outre que le public imaginé par ces productions évolue avec le temps, ce qui rend possibles des propositions narratives plus audacieuses et témoigne d’un déplacement des attentes du public et des stratégies de l’industrie. Les rapports de pouvoir qui traversent ces récits se manifestent dans la prédominance de certains points de vue, lesquels tendent à naturaliser des formes de consensus social historiquement et idéologiquement construits.

Pour analyser l’évolution du monde représenté, Chalvon-Demersay propose une articulation fondamentale entre ce qui relève de l’ordre connu — « le principe de cohérence » — et ce qui ne saurait être transgressée sans conséquence —« le principe de moralité ». Selon cette perspective, un personnage connoté positivement ne peut adopter certains comportements sans risquer de compromettre son statut héroïque. Et lorsque de tels actes sont néanmoins intégrés au récit sans entrainer une disqualification narrative, cela indique que les fondements mêmes de l’héroïsation ont été redéfinis pour s’ajuster à des nouvelles priorités collectives (Chalvon-Demersay 2005: 82).

Une telle approche suppose l’adoption d’un regard ethnographique, permettant d’observer les personnages dans la diversité de leurs actions et interactions au fil du récit, en les considérant comme les sujets d’une enquête anthropologique. Selon la chercheuse, ces personnages issus des mondes fictionnels se rapprochent davantage des « sujets idéaux » des sociologues, du fait de leur cohérence et de leur relative prévisibilité. Il s’agit ainsi de faire du visionnage des épisodes une activité d’observation, où les dialogues sont perçus comme des énoncés révélateurs des états qui structurent leur univers. Dans cette logique « d’imagination sociologique » , il convient d’accompagner les personnages à travers leurs déceptions, leurs inquiétudes et leurs aspirations (Chalvon-Demersay 1993 : 142, Lécossais 2015 : 123). En complément, la méthodologie développée par Sarah Lécossais s’est révélée fondamentale dans notre analyse, car elle synthétise l’ensemble de ces approches tout en nous incitant à considérer les personnages non seulement comme des figures fictionnelles, mais aussi comme « participants de discours et de politiques de représentations plus larges » (voir Lécossais 2015). Cette perspective implique de ne pas réduire les personnages à leur seule fonction narrative, mais de les appréhender également comme de vecteurs d’enjeux sociaux, idéologiques et culturels.

Si la telenovela a fait l’objet de nombreuses recherches, une part considérable des études existantes s’est néanmoins principalement focalisée sur la dimension de la réception. En revanche, les contenus narratifs, les personnages et la dimension audiovisuelle de ces productions ont suscité un intérêt relativement marginal. Il est vrai que dans la telenovela, le dialogue prédomine sur l’action, ce qui a sans doute contribué à une relégation de la mise en scène. Et si ces productions sont perçues comme des produits culturels de qualité inférieure, il n’est guère surprenant que leur langage visuel et leurs imaginaires aient fait l’objet de peu de réflexion. Bien que l’on reconnaisse à la telenovela une importance certaine en tant qu’outil d’analyse des sociétés latino-américaines, il nous semble que les recherches disponibles ne proposent pas encore une méthodologie suffisamment élaborée pour aborder en profondeur l’analyse des contenus.

Par ailleurs, parmi les telenovelas qui ont suscité un réel intérêt académique, on trouve majoritairement des fictions historiques, centrées sur des processus de reconstruction de la mémoire collective. À l’inverse, les récits classiques d’amours contrariés, dépourvus de contexte historique explicite, ont été largement négligés, comme s’ils attiraient moins l’attention des chercheurs. Nous partons, pour notre part, de l’hypothèse que l’étude de ces fictions, qui mettent en scène la vie conjugale et les conflits familiaux, permet de saisir les mutations affectant la sphère intime et sociale d’un pays.

Mais comment interroger des productions résolument fictionnelles afin d’analyser la société qui les produit et les consomme ? L’analyse de la fiction constitue un champ méthodologiquement complexe, ce qui nous a conduit à nous éloigner partiellement du cadre spécifique des études sur la telenovela ainsi que de certains paradigmes latino-américains traditionnels, tels que ceux ancrés dans les approches critiques marxistes ou les lectures communicationnelles (voir Colomina 1968, Martín-Barbero 1991, 2002, Rincón 2006, 2013). Parmi ces dernières, les travaux de Jesús Martín-Barbero ont joué un rôle essentiel en proposant une nouvelle lecture des médias populaires et en conférant à la telenovela une légitimité en tant qu’objet d’analyse. Sans nier l’apport fondamental de cette perspective, notre analyse s’inscrit toutefois dans une autre orientation, davantage inspirée par la sociologie de la télévision et les études sur les séries. Ce déplacement a permis l’émergence de nouvelles approches capables de rendre compte de processus complexes tels que les rapports de pouvoir, les transformations du genre ou les recompositions familiales. Ainsi, il devient possible de lire les fictions à l’aune des correspondances qu’elles entretiennent avec les dynamiques sociales.

Bien que notre corpus soit constitué de telenovelas — et non de séries télévisées à proprement parler — il nous semble pertinent de rapprocher ces objets d’analyse dans une perspective commune fondée sur la sérialité. Nous défendons ainsi l’idée que la telenovela peut être abordée comme une fiction sérielle, et que les méthodologies développées dans le cadre des études sur les séries, les feuilletons et les soap operas peuvent être utilement mobilisées pour interroger notre objet d’étude sous un angle renouvelé.

Parmi les apports méthodologiques fondamentaux qui nourrissent notre réflexion, figurent également les travaux en sociologie de la communication d’Éric Macé, lequel conçoit les programmes télévisés comme des « mondes sociaux virtuels » susceptibles d’être étudiés à l’aide d’outils ethnographiques. Sa proposition de développer une sociologie comparée entre le « monde télévisuel » et le « monde réel » permet de mettre en lumière les convergences et les écarts entre ces deux registres (voir Macé 2001 : 232, Lécossais 2015 : 134, Esquenazi 2003 :105). Sur le plan pratique, nous avons suivi sa recommandation d’utiliser un cahier de terrain, afin d’adopter — à la manière du sociologue — une posture d’étrangeté analytique permettant de défamiliariser ce qui semble familier.

Ces éléments de contextualisation, de cadrage théorique et de positionnement méthodologique posent ainsi les bases de l’analyse qui suit. Bien que ces approches ne soient pas spécifiquement centrées sur la telenovela, elles nous ont permis d’articuler les récits fictionnels avec les dynamiques de transformation du tissu social. Elles offrent un cadre pertinent pour analyser comment, dans ces productions, le foyer devient un espace de tensions entre sphère publique et sphère privée ainsi qu’un lieu de reconfiguration des normes sociales et des rapports de pouvoir.

2. Du champ de bataille domestique à la séparation

En 1985, Las Amazonas met en scène deux couples séparés : Rodrigo et Consuelo, ainsi que Carmelo et Esperanza, qui entretiennent une hostilité manifeste dans leurs relations d'ex-époux et de parents. Tout au long du récit, le lien parental subsiste, axé sur des aspects pratiques, tels que la pension alimentaire et le respect des obligations parentales. Les personnages montrent que, malgré les rancunes et les conflits personnels, le bien-être des enfants et le souhait que les deux parents participent à leur éducation prévalent. Dans cette telenovela, comme dans la majorité des productions du genre jusqu’à la fin des années 1980, les personnages appartiennent aux classes moyennes ou moyennes supérieures et sont dotés d’une formation universitaire. Dans le cas particulier de Las Amazonas, certains ont effectué leurs études à l’étranger et évoluent dans une Caracas représentée comme une ville cosmopolite, moderne et luxueuse, symbole d’un mode de vie associé à la réussite sociale.

Au milieu des années 1980, les fictions mélodramatiques vénézuéliennes illustrent un changement de paradigme conjugal, où le divorce n’est plus perçu comme une honte ou une tragédie. Alors que, dans les années 1970, les héroïnes divorcées étaient stigmatisées, les personnages de cette période parviennent à se reconstruire grâce à un contexte social offrant davantage d’opportunités aux femmes. Bien que les ruptures demeurent parfois douloureuses, le divorce cesse d’être considéré comme une condamnation sociale ou la fin irréversible d’un projet sentimental et familial. Au contraire, à la faveur des transformations du couple et de la famille dans la seconde moitié du xxe siècle « (…) les parcours et les expériences de vie se diversifient. Les individus peuvent connaître des périodes de célibat, de mariage, de séparation, de cohabitation et de remariage »* (Esteinou 1990 : 16). Ces évolutions se traduisent dans les telenovelas, où les histoires d’amour et les relations sexuelles des personnages se diversifient, mettant en avant la possibilité de nouveaux départs amoureux ainsi que de nouvelles configurations familiales. Au Venezuela, comme dans de nombreux autres pays, la décennie des années 1980 a été marquée par une augmentation significative du nombre de séparations matrimoniales. Selon la chercheuse Irene Casique, le taux brut de divorce dans le pays a connu une hausse importante à partir de 1984, conséquence directe, en grande partie, de la réforme du Code civil de 1982. Cette réforme a introduit de nouveaux motifs de divorce reconnus par la loi, notamment l’adultère du mari et la séparation du couple pendant une période excédant cinq ans (2000 : 41).

Dans cet univers bouleversé par la désinstitutionalisation du mariage, de nouvelles formes de parenté émergent, et les concepts de famille et de mariage s’enrichissent de nuances et de significations modernes. La chercheuse Rosario Esteinou souligne que cette diversité se manifeste à travers des structures plurielles telles que la famille nucléaire, monoparentale ou élargie. Autrefois, la mort de l’un des conjoints était la principale cause de séparation, mais dans les sociétés modernes ou industrialisées, c’est désormais le divorce qui prédomine. Avec la perte du mariage et de la famille nucléaire en tant que référents normatifs et symboliques, d’autres structures familiales ont gagné en acceptation et en visibilité, y compris dans les représentations médiatiques.

Dans Las Amazonas, les deux protagonistes, Isabel et Rodrigo, sont confrontés au défi de former une famille recomposée tout en essayant de construire une relation stable et de partager un espace domestique. Rodrigo, qui élève seul ses deux filles, envisage de se marier avec Isabel, une femme sans expérience en tant que mère. Cette nouvelle dynamique familiale exige des personnages qu’ils s’adaptent progressivement aux nouvelles présences et routines, dans l’objectif d’atteindre une cohésion harmonieuse. La telenovela met en scène leur processus d’adaptation à travers des activités partagées comme des jeux, des sorties au cinéma ou des repas au restaurant, qui illustrent la quête d’une intégration familiale. Pour Isabel, il s’agit de gagner l’affection des enfants tout en réfléchissant à son rôle au sein d’une famille préalablement établie lors d’un premier mariage. Ce contexte de recomposition familiale, courant mais exigeant, est présenté comme un espace de négociations constantes, où l’intégration nécessite de nouveaux apprentissages et concessions.

Dans les années 1980, les études sur les familles recomposées les décrivaient comme des relations potentiellement complexes, exigeant des efforts et des compromis. L'intégration d'un beau-père ou d'une belle-mère au sein du noyau familial peut susciter des ambiguïtés, notamment en ce qui concerne leurs droits et obligations. Face à ces dynamiques familiales délicates, les psychologues familiaux conseillent de laisser le temps nécessaire « pour développer une cohésion familiale et une proximité émotionnelle »* (Esteinou 1999 : 17). Dans ce cadre, les expériences représentées dans Las Amazonas traduisent les tensions et les préoccupations soulevées par ces transformations familiales. Les nombreux obstacles et situations mélodramatiques, typiques de ces productions, découlent de la situation de Rodrigo lui-même et de son statut d'homme séparé avec des enfants à charge.

3. L'éducation des enfants : une tâche pour les mères et les pères ?

Dans Las Amazonas, Rodrigo et Carmelo, tous deux séparés et ayant des enfants en âge scolaire proche de la préadolescence, illustrent deux approches différentes de l’exercice des responsabilités parentales. Rodrigo, dans ses interactions avec ses filles, Lalita et Jimena, se montre particulièrement affectueux et affirme souvent qu’il joue à la fois le rôle de père et mère. Comme l’explique Thierry Blöss :

Lorsque le couple est désuni, l’attribution de la garde de l’enfant, avec ses conséquences sur la répartition des devoirs parentaux, révèle de manière flagrante que peu d’hommes se sentent aussi concernés que les femmes (…) mais également que peu de femmes sont prêtes à accepter ce partage des responsabilités. (2001 : 61).

Malgré cette tendance, Rodrigo va à l’encontre de la norme en devenant la figure centrale dans les soins apportés à ses filles, tout en assumant également les tâches domestiques traditionnellement attribuées aux mères. Dans la maison de Rodrigo et de ses filles, malgré la précipitation caractéristique des petits-déjeuners avant de partir à l'école, les scènes mettent en évidence l'affection et la coopération qui structurent la dynamique familiale. Lalita et Jimena, en comparant leur situation à celle d'autres enfants de parents divorcés, trouvent peu courant que ce soit leur père, et non leur mère, qui s'occupe d'elles. Pour Rodrigo, la collaboration est essentielle, à tel point que le mot « collaborer » devient un terme récurrent que ses filles utilisent pour plaisanter à propos de ses exigences. Malgré leurs jeunes âges, douze et six ans, Jimena et Lalita participent activement aux tâches ménagères, comme cuisiner, ranger et laver la vaisselle. Lors des visites d'amis de la famille, ce sont elles qui préparent le café, dressent la table et, presque toujours, préparent les repas. Les invités louent leurs compétences culinaires, affirmant qu'elles sont déjà de « petites femmes », et félicitent Rodrigo pour l'éducation exemplaire qu'il leur a donnée. En contraste, Carmelo entretient une relation plus distante et moins affectueuse avec son fils Napo, se contentant de le voir les jours qui lui sont assignés. Bien que Carmelo apparaisse moins fréquemment, il s’acquitte de son devoir parental en se limitant à récupérer son fils Napo à l'école et à l'accompagner à des fêtes scolaires.

Pour les mères, Consuelo et Esperanza, les petits-déjeuners se déroulent dans une atmosphère moins chaotique, bien que tout aussi précipitée, car toutes deux s'efforcent d'inculquer à leurs enfants un sens des responsabilités. Même si elles gardent le contrôle de la situation, elles ont tendance à assumer la majorité des tâches et se montrent moins enclines à déléguer. Tout est généralement prêt avant le réveil des enfants et une fois le repas terminé, elles s’occupent elles-mêmes de ranger et de nettoyer. Parfois, Consuelo encourage ses filles à l'aider avec les tâches domestiques, tandis qu'Esperanza n'incite jamais son fils à en faire autant. Napo lui-même admet qu'il ne sait rien en matière de cuisine ou de ménage, soulignant que ce domaine ne fait ni partie de ses intérêts ni de ses responsabilités. En revanche, dans l'éducation de Jimena et Lalita, il est attendu et encouragé qu'elles développent des compétences et des responsabilités dans le domaine domestique. Malgré leur jeune âge, elles n'expriment jamais de réticence et ne s'opposent pas à être systématiquement désignées pour préparer les dîners fréquents que leur père organise. Les filles de Rodrigo semblent ainsi destinées à devenir des ‘femmes’ pleinement préparées à assumer leur rôle de cheffes de foyer.

D'autre part, au-delà de l'illustration de l'organisation domestique, les scènes révèlent également comment les parents inculquent à leurs enfants des valeurs fondamentales, en adéquation avec les notions de citoyenneté et de respect. Ils s'efforcent de créer un environnement familial où leurs enfants se sentent aimés et en sécurité tout en mettant en avant les défis inhérents à la parentalité. Ces personnages cherchent à établir une relation parentale fondée sur l'amitié, en encourageant leurs enfants à s'ouvrir et à leur faire confiance sans crainte, malgré l'autorité qu'ils incarnent. Ils leur enseignent également à affronter leurs peurs et leurs problèmes plutôt que de fuir ce qui les intimide ou les effraie, les préparant ainsi aux difficultés de la vie adulte. De cette manière, les situations représentées mettent en relief les défis auxquels les parents sont confrontés tant dans le cadre scolaire que familial, tout en soulignant que l'écoute et la coopération sont essentielles pour les surmonter.

À travers ces situations, nous observons comment, dès l'enfance, des rôles de genre différenciés sont inculqués dans la sphère privée et fidèlement reproduits par la fiction, et vice-versa. Comme l'indique Teresa de Lauretis dans son texte canonique Technologies of Gender, les médias de masse jouent un rôle crucial dans la construction et la reproduction des normes de genre (1987 :168). Par exemple, dans Las Amazonas, ce sont les mères qui abordent généralement les premières expériences amoureuses de leurs enfants, partageant des confidences sur les émotions que ces situations suscitent. En le faisant, elles insistent sur le fait qu'il s'agit de « conversations de femmes », tandis que les pères évitent de s'impliquer dans de telles discussions. Même Rodrigo, qui incarne un modèle de paternité communicative et ouverte, se montre très protecteur et jaloux lorsque ses filles parlent des garçons et de relations amoureuses. Toutefois, son approche parentale, fondée sur l'affection plutôt que sur l'autoritarisme, introduit une représentation innovante qui se distingue du modèle traditionnel de père encore prédominant dans les années 1980.

4. La nouvelle paternité

Si l’on considère que, dans les années 1970 au Venezuela, certaines telenovelas ont commencé à critiquer le machisme comme une attitude dépassée et inadéquate, il n’est guère surprenant que de nouveaux modèles de masculinité aient commencé à émerger dans les telenovelas. Rodrigo, en s’éloignant de la figure contestée du macho, semble en phase avec les transformations domestiques portées par les mouvements féministes (González-Castro 2023 : 137-198). Selon Isabella Cosse, « la nouvelle paternité faisait partie des rôles de genre traversés par des aspirations féminines à l’équité, constituant ainsi l'un des éléments centraux des changements culturels qui marquent la famille à cette époque »* (2009 : 431). Apparu dans les années 1980, ce modèle se construit en opposition au schéma traditionnel père-enfant, souvent associé à l'autoritarisme et à la distance émotionnelle (Cosse 2009 : 442). Il ne fait aucun doute qu'à partir de la seconde moitié du xxe siècle, les relations conjugales et familiales ont été profondément remises en question par la nécessité croissante de collaboration et d'égalité. Les médias ont joué un rôle central dans la diffusion de ces nouvelles normes, en multipliant les représentations de pères impliqués dans une éducation fondée sur le partage, l’affection et le plaisir. Rodrigo, en ce sens, incarne un idéal familial tel qu’il commence à être valorisé vers le milieu des années 80 : un père qui établit une relation étroite et affectueuse avec ses enfants, dans lequel les soins quotidiens comme les loisirs partagés sont considérés comme essentiels (Cosse 2009 : 433).

Ce modèle s’inscrit dans un paradigme parental renouvelé, étudié par Cosse dans le contexte argentin des années 1950 à 1975. Influencé par la psychologie et par l'effondrement progressive du modèle domestique traditionnel, il gagne en légitimité à partir des années 1970 (2009 : 432). Si une paternité plus engagée avait timidement été promue au cours des premiers décennies du siècle, c’est à cette période qu’elle tend à s’imposer comme norme. Dans ce cadre, l’autoritarisme, la violence physique et la discipline rigide- jusque-là considérés comme des piliers éducatifs- sont peu à peu remis en question. Les travaux spécialisés recommandent alors un équilibre entre fermeté et dialogue, afin de favoriser l’autonomie des enfants. L’autorité paternelle, souligne la chercheuse, devait désormais découler « naturellement de l'affection, de la confiance et du respect »* (2009 : 434).

Rodrigo et ses deux filles incarnent ce discours alternatif sur la paternité et les différentes façons de construire une famille. Non seulement ce personnage s’occupe de Lalita et Jimena, mais son ami Moretti correspond également à ce modèle, se montrant attentionné et compétent dans les tâches domestiques. Que ce soit pour des raisons professionnelles ou de santé, Moretti vient régulièrement en aide à son ami en récupérant ses filles à l’école, en les aidant avec leurs devoirs, en cuisinant et en jouant avec elles. D'autres productions culturelles vénézuéliennes de l'époque, comme la série Crecer con papá (1986), explorent également la paternité d’un homme veuf chargé d’élever ses trois filles. Par ailleurs, la télévision nord-américaine des années 1980 a aussi mis en scène des figures paternelles engagées, dans des séries qui furent populaires au Venezuela, telles que Full House (1987-1995) (Douaire 2018 : 70-75). Ces représentations peuvent être mise en relation avec un climat culturel plus large, marqué par une attention croissante portée à l’enfance et à la jeunesse dans le Venezuela des années 1970 et 1980. Dans le cadre du projet de modernisation du pays, l’État a promu un ensemble d’initiatives emblématiques qui témoignent de cette valorisation. En 1975, a été fondé le célèbre Système national d’orchestres et de chœurs de jeunes et d’enfants du Venezuela, et en 1982, a été inauguré le Musée des Enfants, qui, sous les slogans « Interdit de ne pas toucher » et « Apprendre en jouant », visait à renforcer le lien entre les jeunes générations, l’art et le savoir à travers l’expérience ludique.

Cependant, ce nouveau paradigme de paternité impliquée et affectueuse, qui gagne en visibilité, dans la seconde moitié du xxe siècle, semble relever davantage d’injonctions normatives que de pratiques réelles. Selon Cosse, ces transformations se sont opérées de manière lente et inégale, marquées par des avancées et des reculs dans l’implication des hommes dans les tâches liées aux soins de leurs enfants. La chercheuse (2009 : 439) souligne que, bien qu’un changement radical des pratiques n’ait pas encore eu lieu à cette époque, les dynamiques des transformations étaient déjà enclenchées.

Toute la promotion d'une nouvelle paternité fondée sur l'affection et la compréhension semble être conditionnée par la conformité à des modèles familiaux traditionnels et normés. Dans la telenovela Rubí Rebelde de 1989, le personnage de Leonardo, un veuf, est confronté à un dilemme lorsque son fils cadet, René, affiche des comportements et des goûts qu’il perçoit comme efféminés. Bien que René tente de lui expliquer qu'il s'agit simplement des codes vestimentaires et des styles d'une nouvelle génération, Leonardo les juges inappropriés et refuse de les accepter. Convaincu qu'il doit corriger ce qu'il perçoit comme problématique, il décide d'envoyer René dans une école militaire à l'étranger, dans l’espoir d’en faire un « véritable homme ». La promotion de la famille aimante et soudée, si souvent valorisée dans les telenovelas, ne semble valide que lorsqu’elle s’inscrit dans un modèle hétérosexuel normatif. Les rares représentations de l'homosexualité (toujours masculines) apparaissent à travers des personnages stéréotypés, exprimant une sexualité perçue comme déviante. Bien que cela procure une certaine visibilité, ces représentations manquent de la profondeur nécessaire pour susciter un « double discours » qui invite à une réflexion critique (voir Burch 2000 : 99-130). Elles sont plutôt utilisées comme des ressorts narratifs destinés à provoquer un rire facile, perpétuant les stigmatisations autour de l’homosexualité sans remettre en question les normes sociales :

Leonardo : Les hommes, les vrais hommes, l'ont toujours été à travers toutes les époques. Je veux que René soit comme toi, comme moi, comme tous les hommes de cette famille. Pas un faible efféminé qui attire des remarques malveillantes partout où il passe.
Reinaldo (fils aîné de Leonardo) : Je m'inquiète. Il pense au suicide.
Leonardo : Il n'irait pas jusque-là.
Reinaldo : Et s'il le fait ?
Leonardo : Je préfère un fils mort plutôt qu'un efféminé* (Rubí Rebelde, Ép. 15)

5. Entre injonctions et réalité

Malgré la représentation d’une nouvelle paternité qui a émergé dans les telenovelas à partir des années 1980 et la présence fréquente des familles nucléaires dans ces productions, ces modèles semblent peu représentatifs des pratiques sociales réelles. Dans les secteurs populaires du Venezuela, la structure composée d’un père, d’une mère et de leurs enfants est presque inexistante. Pendant longtemps, on a supposé que le modèle familial vénézuélien reproduisait celui des pays occidentaux. Cependant, des études pionnières menées depuis les années 1970 ont remis en question cette idée. Le chercheur Luis Vethencourt a constaté l’absence du modèle nucléaire, affirmant que le couple en tant qu’institution familiale est minoritaire (cité dans Campo-Redondo/ Andrade 2007 : 88). Dans des contextes de précarité et de relations peu monogames, les hommes ont tendance à passer d’une femme à l’autre sans s’établir durablement avec aucune. Après la procréation, il est courant que le couple se dissolve, l’homme entamant une nouvelle relation sentimentale, laissant ainsi la femme seule responsable de l’éducation des enfants. De leur côté, selon Campo-Redondo, les hommes de la classe moyenne, bien qu’ils assument généralement leur rôle de père avec plus de responsabilité, le font de manière partielle. S’il est moins fréquent qu'ils abandonnent leur foyer, ils entretiennent souvent des relations sentimentales simultanées et clandestines avec d'autres femmes. Dans ces relations adultères, une des familles tend à être privilégiée au détriment de l’autre. Cette dynamique suit souvent une tendance hypergamique, où les maîtresses des hommes de la classe moyenne appartiennent généralement à une condition sociale inférieure à celle de la famille reconnue légitime par l’ordre social (Campo-Redondo/ Andrade 2007 : 92).

Les recherches d’Alejandro Moreno ont également confirmé que la famille nucléaire est pratiquement inexistante au sein des classes populaires, qui constituent 80 % de la population. Cependant, pour le chercheur, ce modèle est parfaitement fonctionnel, dans la mesure où les femmes, en l'absence d’un partenaire, réussissent à construire un univers émotionnel autour de leurs enfants (2016 : 73). La famille, au lieu de prendre une forme triangulaire, se constitue alors en binôme entre la mère et sa descendance. Tous ces études révèlent que la famille vénézuélienne est matricentrée sans pour autant être matriarcale. Cela signifie que, bien que la mère occupe un rôle central dans la vie intime du foyer, son autorité se limite à la sphère privée. Ni la société ni les institutions politiques ne sont influencées par ce pouvoir. Au contraire, le patriarcat dominant accroît la vulnérabilité des nombreuses femmes pauvres à la tête de familles monoparentales dans la société vénézuélienne. Bien que l’on ne puisse affirmer que toutes les familles sont matricentrées, en raison de la diversité qui caractérise le pays, cette structure demeure, sans conteste, la plus fréquente.

En ce qui concerne la télévision, les représentations des années 1980 semblent davantage traduire les injonctions et aspirations sociales que la réalité des structures familiales majoritaires au Venezuela. Comme le souligne Moreno, bien que le modèle de la famille nucléaire ne soit pas le plus courant, le désir de la présence du père reste très important. Par ailleurs, persiste une perception positive des couples qui demeurent ensemble pendant des décennies, où les deux parents participent activement à l’éducation des enfants (2016 : 332). Ces aspirations sont également traversées par des productions culturelles telles que les telenovelas, qui contribuent à la construction et au renforcement de certains imaginaires collectifs.

Il est évident que la famille matricentrée coexiste avec la famille nucléaire traditionnelle, laquelle n’est pas absente, mais se limite à certains milieux sociaux de la société vénézuélienne. Bien que la fiction n’ait pas pour vocation de représenter la réalité, il est néanmoins pertinent de noter que, jusqu’aux années 80, les familles représentées dans les telenovelas — nucléaires, blanches, issues de classes aisées — perpétuaient un imaginaire social restreint et excluant. Ce n’est qu’à partir des années 1990, dans un contexte de montée des critiques à l’encontre des élites traditionnelles, et lorsque les classes populaires et leurs revendications commencent à gagner en visibilité, que les représentations des familles populaires deviennent plus présentes et significatives. Ainsi, au début des années 1990, dans des telenovelas comme Por estas calles, apparait d’une façon plus protagonique la famille matricentrée, ancrée dans des réseaux de solidarité, tout en illustrant l’impact des politiques publiques sur la sphère domestique (accès au logement, insécurité dans les quartiers populaires).

Comme le souligne Monasterios, bien que la mère vénézuélienne occupe une place centrale au sein du foyer, un réseau de soutien familial élargi vient compléter cette unité. Lorsque la mère travaille, les enfants sont souvent pris en charge par la grand-mère maternelle ainsi que par d'autres femmes de la famille, telles que les tantes et les cousines. Cette organisation instaure une forme de coopération familiale dans l’éducation des enfants, permettant à certaines femmes de travailler pendant que d'autres assurent la gestion domestique (Monasterios 2001: 70). Dans la telenovelas Por estas calles (1992-1994 RCTV), les représentations des mères issues de quartiers populaires, auparavant invisibilisées, mettent en lumière cette solidarité féminine qui leur permet parfois de résister aux difficultés liées à la maternité et aux contraintes du quotidien. De la même manière que les figures paternelles ont promu un modèle de paternité renouvelée, les mères dans les productions analysées révèlent des pratiques et des discours qui associent l’idéal maternel au sacrifice et à la capacité de tout assumer.

6. Les mères toutes puissantes

Dans les telenovelas de notre corpus, pendant la grossesse, les proches des futures mères leur prodiguent une multitude de conseils, allant des recommandations concernant une alimentation équilibrée aux mises en garde contre une activité physique excessive. Par ailleurs, des discussions sur les douleurs de l’accouchement s’engagent, expliquant aux primipares que les contractions sont le signe irréfutable que le moment est venu3. Bien que l’accouchement soit décrit comme un processus difficile et éprouvant, il est également souligné que tous les efforts sont récompensés une fois que l’enfant est dans les bras4. En raison de leur origine radiophonique, ces productions culturelles privilégient souvent le dialogue par rapport à l’action, avec une visée pédagogique et thérapeutique. Ces échanges permettent aux personnages non seulement d’exprimer leurs émotions, mais aussi de proposer diverses perspectives sur les situations représentées, offrant ainsi au public une plateforme de réflexion.

Par ailleurs, même dans les scénarios les plus rocambolesques, un enfant représente toujours une source de joie pour les femmes, indépendamment des répercussions que cela peut avoir sur leur vie. Les grossesses surviennent rarement dans le cadre de relations stables et harmonieuses ; au contraire, elles apparaissent comme des moments mélodramatiques et éprouvants, que les héroïnes doivent affronter comme une épreuve initiatique. Lorsqu’elles ne sont pas accidentelles, elles s’inscrivent souvent dans des stratégies déployées par les anti-héroïnes pour manipuler les héros présentés comme naïfs, les contraignant à maintenir la relation. Bien que dans d’autres contextes, l’avortement soit un sujet abordé dans ce type de productions, il est très peu présent dans les intrigues des telenovelas vénézuéliennes. Même le texte ouvert sur le plan narratif et idéologique, caractéristique de ce type de productions et permettant diverses interprétations, tend à se refermer, adoptant une position idéologiquement conservatrice (Chedaleux 2022 : 62).

Dans Rubí Rebelde, Ana María est victime d’un viol commis par le frère de son fiancé dans le but de porter atteinte à son honneur et de les séparer. Au début, la mère d’Ana María lui suggère de consulter un médecin à l’étranger pour interrompre la grossesse, mais uniquement pour éviter que sa fille donne naissance à un enfant sans nom de famille paternel. Si cette option s’avère impossible, elle envisage de contraindre le violeur à épouser sa fille, afin que l’enfant naisse dans un cadre familial considéré comme légitime. Le médecin qu’elles consultent, au fil de plusieurs rendez-vous, renforce une position pro-vie, minimisant l’importance du viol et insistant sur le fait qu’il ne faut, sous aucune condition, mettre un terme à une vie humaine.5 Dans la même telenovela, Gladys, une femme riche, tombe enceinte d’un mafieux et décide de se faire avorter clandestinement chez elle. La scène suivant l’avortement est particulièrement crue, montrant le personnage se tordant de douleur, gisant au sol et saignant abondamment, jusqu’à l’arrivée des secours qui lui sauvent la vie. Le discours du personnel médical est similaire à celui du cas précédent, blâmant Gladys pour sa décision et lui affirmant que, comme conséquence de son « acte répréhensible », elle ne pourra plus jamais devenir mère. Il est également souligné que son acte constitue un crime puni par la loi et que, tant elle que les personnes qui l’ont aidée, encourent des poursuites judiciaires. Ce traitement narratif de l’avortement s’inscrit dans un contexte législatif particulièrement restrictif : au Venezuela, cette pratique demeure illégale, sauf dans des cas très exceptionnels, et reste aujourd’hui fortement criminalisée.

Dès la découverte de la grossesse, le processus de maternité apparaît comme une expérience qui concerne presque exclusivement les femmes. Comme le souligne Sarah Lécossais, ce type de fiction sérielle « met en scène un monde où la procréation est finalement peu contrôlée, tant les accidents sont fréquents. Surtout, ce sont les femmes qui prennent les décisions d’avoir un enfant avec ou sans l’accord du père » (2015 : 226). Le rôle du père est souvent réduit au minimum. Un exemple en est Carolina dans Las Amazonas, dont la grossesse n’est découverte par le père de son enfant que bien plus tard, après qu’elle en a assumé la responsabilité seule6. De même, Rubí donne naissance à des triplées sans informer le père à aucun moment de sa grossesse7. Cette situation se répète avec Clementina dans Por Estas Calles, qui, ne sachant pas qui est le père biologique de son enfant, décide de ne rien dire à aucun des pères potentiels. Eudomar, l’un d’eux, découvre par hasard la grossesse de Clementina lorsqu’il la croise dans la rue, déjà enceinte. Dans la même telenovela, Eurídice informe Álvaro de sa grossesse après leur séparation, mais refuse toute aide. Lorsque Álvaro lui propose de prendre en charge les frais de l’accouchement dans une clinique privée pour lui épargner les conditions difficiles des hôpitaux publics, Eurídice rejette son offre, affirmant qu’elle peut se débrouiller seule.

La plupart de ces héroïnes, qui sont issues des classes aisées, ne s’interrogent pas sur les difficultés émotionnelles et économiques d’élever un enfant dans des circonstances défavorables. Cependant, avec l’intégration des classes populaires à l’univers des telenovelas au début des années 1990, les personnages féminins commencent à réfléchir aux conséquences de la maternité dans un contexte de précarité. Dans Por Estas Calles, le personnage d’Eloina raconte les difficultés qu’elle a rencontrées en élevant seule sa fille Rosaura, faisant face à de graves privations économiques tout en étant encore très jeune. Lorsque Rosaura décide d’aller vivre avec son petit ami Jacobo, Eloina l’avertit de l’importance de prévenir une grossesse non désirée, surtout à un si jeune âge. Pourtant, Rosaura refuse d’avoir des relations sexuelles avant le mariage, craignant qu’une maternité non planifiée ne devienne un obstacle à sa mobilité sociale. Elle exprime que l’un de ses plus grands souhaits est d’améliorer sa situation économique afin d’offrir un meilleur avenir à ses enfants et préfère donc attendre d’avoir les conditions matérielles appropriées. Ainsi, le foyer cesse d’être un simple espace de convivialité familiale et devient le reflet des inégalités structurelles qui affectent le pays et impactent directement la sphère domestique.

Dans cette telenovela, les scènes qui dépeignent des familles monoparentales et élargies mettent en évidence les réseaux de soutien qui se forment pour assurer les tâches de soin, impliquant non seulement les membres de la famille élargie, mais aussi les voisins proches. Ces représentations correspondent de manière plus fidèle à la structure familiale matricentrée décrite par les chercheurs vénézuéliens et, probablement, à la réalité de nombreuses spectatrices. En revanche, les familles traditionnelles et aisées, longtemps présentées comme des modèles avant les années 1990, commencent à révéler leurs failles. Indépendamment de la classe sociale, le modèle dominant reste celui de la mère dévouée, capable de s’en sortir seule, sans dépendre d’un homme. Cet idéal valorise la capacité de résilience et la force intérieure qui lui permettent de surmonter toutes les épreuves et de défendre sa famille bec et ongles. Dans Las Amazonas (1985), les mères sont prises entre les tensions de la vie familiale et professionnelle, où choisir un rôle implique de sacrifier l’autre. Cependant, vers la fin de la décennie, cette tension s’atténue et les mères réussissent à équilibrer ces deux rôles, notamment face à l’éventualité grandissante d’une absence de la figure paternelle.

7. Conclusion

Comme l’ont observé Camille Dupuy et Marjolaine Boutet à propos de la télévision états-unienne des années 1980, on constate également au Venezuela, à la même époque, un retour à certaines idées conservatrices dans les telenovelas (Voir Dupuy 2018 ; Boutet 2019). Cependant, ce retour coexiste avec des représentations innovantes de la famille, qui traduisent non seulement les changements sociaux, mais aussi les tensions persistantes avec les dynamiques traditionnelles. Un exemple clair en est celui des familles recomposées, qui s’intègrent dans un cadre conjugal et familial plus diversifié, déchargeant le divorce de sa connotation d’échec. Dans ce contexte, émerge la représentation d’une nouvelle forme de paternité, inspirée des approches psychologiques insistant sur l’importance de l’enfance et sur le rôle émotionnel du père dans le développement des enfants. Ces figures paternelles engagées et attentionnées, qui apparaissent dans les fictions sérielles de l’époque, deviennent alors des modèles de changements appelés à se manifester progressivement dans les décennies suivantes. Les dynamiques familiales présentées révèlent le foyer non seulement comme un espace de sécurité et de refuge, mais aussi comme un lieu d’oppression. Cela se manifeste notamment dans la reproduction des normes patriarcales au sein de l’espace domestique, incarnée par des personnages comme Leonardo, qui cherche à imposer son autorité sur la vie de son fils René. Bien que ces figures de pères engagés aient perdu en visibilité au fil du temps, les héros de ces telenovelas, malgré leurs défauts en tant que partenaires, sont presque toujours dépeints comme des pères responsables. Si l’absence paternelle devient un thème de plus en plus récurrent dans les dialogues, elle n’est, dans le cas des héros, qu’un ressort mélodramatique temporaire : ceux-ci finissent généralement par assumer pleinement leur rôle de pères.

Par ailleurs, la figure de la mère toute-puissante s’impose comme le modèle hégémonique, se consolidant au fil de la décennie. Les études déjà mentionnées indiquent que les familles monoparentales sont majoritaires au Venezuela. Ce n’est pourtant qu’à partir de la fin des années 1980 qu’elles commencent à être représentées de manière centrale dans les telenovelas. Ce modèle met en avant la capacité de lutte des mères, les éloignant des représentations passives et dépendantes traditionnellement associées aux héroïnes. Il comporte toutefois des dimensions problématiques, dans la mesure où il perpétue les inégalités de genre en renforçant l’idée selon laquelle les tâches de soin incomberaient naturellement aux femmes. En outre, il tend à invisibiliser les revendications pour une répartition plus équitable des tâches parentales et contribue à décharger les pères de leurs responsabilités légitimes, notamment financières.

Finalement, dans Por Estas Calles, les réseaux de soutien entre familles, voisins et enseignants montrent que l’éducation des enfants n’est pas une tâche individuelle, mais bien collective. Néanmoins, en dehors du modèle conjugal et familial hétéronormatif, les productions de cette époque offrent peu de place à d’autres formes de cohabitation ou de solidarité, ou encore au célibat. Bien que ces telenovelas traduisent des transformations sociales et intimes, elles continuent parallèlement à imposer un ordre social qui se désagrège plus lentement. Dans ce sens, l'espace domestique se révèle comme un microcosme où se cristallisent les débats plus larges sur le pouvoir, le genre et les inégalités socioéconomiques dans le Venezuela contemporain. À travers leurs récits, ces productions soulignent le rôle central du foyer comme un lieu de contestation et de changement, où les structures familiales, qu’elles soient matricentrées ou nucléaires, sont confrontées aux pressions d’une société en transformation.

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Notes

1 Traduction de l'original effectuée par l'autrice. Sauf indication contraire, toutes les traductions de l'espagnol, signalées par une *, sont de l'autrice. Retour au texte

2 À l’instar des séries télévisées, les intrigues des telenovelas se développent de manière progressive, et le suspense joue un rôle central dans la fidélisation du public. L’extension temporelle propre aux deux formats favorise la familiarité avec les personnages et permet un accès privilégié à leur intimité et à leurs émotions. Bien que la telenovela ne se décline pas en saisons multiples, elle se caractérise par une structure fermée, tout en tendant vers une certaine continuité, avec une diffusion quotidienne qui peut toutefois s’étendre sur plusieurs mois, voire plusieurs années, en fonction de sa réception. Cette combinaison de caractéristiques — résolution narrative, durée prolongée, rôle central des téléspectateurs — permet de la considérer comme une forme de fiction sérielle inscrite dans une logique industrielle et culturelle spécifique. (Voir Chalvon-Demersay 2005, Lécossais 2015). Retour au texte

3 Rubí : « Est-ce que ça disparaît après l’accouchement ? Et toutes les femmes ressentent-elles ces douleurs ? »* Rubi Rebelde, Ép. 80. Retour au texte

4 Isabel : « Les douleurs sont fortes, n'est-ce pas ? » Carolina : « Elles le sont, mais il y a quelque chose qui te donne de la force, une énergie qui vient de l'intérieur. Quand l’enfant naît, tout disparaît à cet instant. C’est un sentiment de plénitude et de bonheur »*. Las Amazonas, Ép. 127 Retour au texte

5 Docteur : « Une vraie mère aime son enfant dès le moment où elle le conçoit (…) Réfléchis-y ; rien ne lavera ton honneur et rien n’apaisera ta conscience si tu empêches cet enfant de naître »*. Rubi Rebelde, Ép. 34. Retour au texte

6 Carolina : « Je m’en sortirai seule (…) Il n’a besoin que de moi, de personne d’autre »*, Las Amazonas, Ép. 123 Retour au texte

7 Rubí : « Je serai à la fois le père et la mère de mes filles ». Infirmière : « L’éternelle histoire »*, Rubí Rebelde, Ép. 80 Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Yessika González-Castro, « Foyers, intimités et familles : les telenovelas vénézuéliennes face aux mutations domestiques (1980-1992) », Textes et contextes [En ligne], 20-1 | 2025, publié le 15 juillet 2025 et consulté le 14 octobre 2025. Droits d'auteur : Le texte seul, hors citations, est utilisable sous Licence CC BY 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont susceptibles d’être soumis à des autorisations d’usage spécifiques.. URL : http://preo.ube.fr/textesetcontextes/index.php?id=5449

Auteur

Yessika González-Castro

Docteure en études hispaniques, CECILLE (ULR 4074), Université de Lille, Campus Pont de Bois, 3, rue du Barreau, 59650 Villeneuve d’Ascq

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