Poétiques affectives des images

  • Affective poetics of images

Résumés

Cet article vise à analyser les transformations de l’art liées aux formes de diffusion des images sur les réseaux sociaux et, plus récemment, aux formes de gestion visuelle sur les systèmes utilisant l’intelligence artificielle. Le premier volet aborde les aspects sociaux et techniques des images numériques, notamment la relation entre les éléments matériels et virtuels, ainsi que la capacité à transférer les couches picturales à une pluralité de moyens et de supports. Les rapports entre l’art et les images sont inscrits dans les structures du capitalisme culturel, ce qui exige de tenir compte des circonstances médiatiques qui contribuent à l’expansion mondialisée des espaces de production et de réception du visuel. Le deuxième volet se concentre sur le champ de partage de communautés connectées à travers les moteurs de recherche et les réseaux sociaux. Ce terrain a intensifié la convergence entre les émotions, les outils d’édition et les algorithmes. Les pratiques artistiques essaient de reformuler les logiques d’automatisation en ouvrant d’autres voies de réception des images partagées. Le troisième volet examine les liens entre les capacités sensibles humaines et les systèmes d’intelligence artificielle, en tenant compte des effets sur les manières de générer et de classer les images. Dans ce contexte, la poétique affective de l’art permet d’indiquer les réajustements problématiques face aux formes de production visuelle guidées par des stratégies de quantification, d’automatisation et de divertissement.
Pour réfléchir à ces questions, une méthodologie interdisciplinaire a été développée dans le champ de l’art, associant les images à l’interprétation poétique et se plaçant dans la perspective des études visuelles propres aux Humanités. Ainsi, le texte adopte une approche en constellation, tout en mettant en relief les problématiques artistiques concernant l’art, les images et les systèmes technologiques actuels.

This article aims to analyse the transformations in art that have been influenced by the ways in which images are disseminated on social networks, as well as the impact of recent developments in visual management on systems utilising artificial intelligence. The initial section addresses the social and technical aspects of digital images, with a particular focus on the interrelationship between material and virtual elements and the capacity to transfer pictorial layers to an array of media and formats. The relationship between art and images is embedded within the structures of cultural capitalism, which necessitates an examination of the media circumstances that contribute to the globalised expansion of spaces for the production and reception of the visual. The second section focuses on the field of sharing by communities connected through search engines and social media. This field has intensified the convergence between emotions, editing tools and algorithms, thereby enabling artistic practices to reformulate the logic of automation by opening up alternative avenues for the reception of shared images. The third section of the study examines the interconnections between human sensory capabilities and artificial intelligence systems, with particular consideration of the impact on the generation and classification of images. In this context, the affective poetics of art enables the identification of problematic readjustments in the face of forms of visual production guided by strategies of quantification, automation and entertainment.
To address these issues, an interdisciplinary methodology has been developed in the field of art, associating images with poetic interpretation from the perspective of visual studies in the Humanities. The text employs a constellation-based methodology, elucidating the artistic concerns pertaining to art, images and contemporary technological systems.

Plan

Texte

Introduction

Une recherche sur Internet nous montre l’énorme quantité d’images numériques qui sont distribuées sur le Web. Elles s’affichent sur les dispositifs tandis que nous les partageons, les éditons et les faisons glisser sur l’écran. Dans ce contexte, les images sont devenues un élément quotidien, ce qui donne forme à un cadre réglé par la multiplicité, la saturation et la prolifération visuelle continue.

Un facteur de consolidation de la circulation visuelle est lié aux formes des images électro-optiques (Virilio, 1988 : 97) et de l’ère de la vidéosphère (Debray 1994 : 235), traitées à la fin du XXe siècle. Ces concepts indiquent un changement dans nos rapports avec l’espace de circulation et les modes de présentation des images, ce qui révèle que « nous étions devant l’image, nous sommes dans le visuel » (Debray 1994 : 235). Les aspects sociaux et techniques de cette situation ont nettement changé au cours des dernières décennies, avec l’intégration croissante de l’accès aux réseaux de communication Internet et aux plateformes de médias sociaux. Un phénomène qui tient compte des caractéristiques sociales des images qui se trouvent condensées dans la tendance des systèmes numériques à visualiser l’existence (Mirzoeff 2003 : 23). L’identification d’un espace de circulation ouvert et accessible évoque les figures des images mentales, flottantes et spectrales (Brea 2010 : 68). Il s’agit d’images créées en matrices numériques qui n’ont pas de support unique, si bien qu’elles peuvent être distribuées sur de nombreuses surfaces.

Dans le contexte électronique, la condition transférable et transitoire du visuel est configurée à travers différents processus tant matériels que virtuels, ce qui permet d’associer les couches picturales à une pluralité de moyens et de supports. Les images ont aussi la capacité à se propager dans l’environnement informatique en augmentant leur nombre jusqu’à devenir une scène d’inflation visuelle (Fontcuberta 2016 : 7). En ce sens, le phénomène de diffusion des images numériques est modulaire à l’infini, ce qui fait de leurs matrices des composants capables de circuler, de transférer et d’apparaître simultanément dans de nombreux dispositifs visuels. Et elles le font en tant qu’images hybrides dont les processus d’apparition sont identifiés à une potentialité transitive (Larrañaga 2016 : 131). Ce faisant, il met en évidence les processus continus de recodage visuel soutenus par une pluralité de couches picturales, et toujours susceptibles de reconfiguration de tous leurs éléments calculables.

Les possibilités de transmission et de conversion visuelles constituent un champ d’exploration pour les artistes intéressés par l’élargissement de l’expérience créative. Les propositions artistiques qui combinent différentes surfaces et médias nous permettent ainsi d’explorer les transformations d’images d’art dans le contexte de la production numérique. Le projet artistique Flutter of Butterflies Beyond Borders, Ephemeral Life Born from People, réalisé par le collectif TeamLab en 2017, réfléchit à la prolifération des images dans le réseau informatique. L’installation est composée d’un ensemble de toiles et de plusieurs projecteurs qui font circuler un flux de papillons. L’activation des flux visuels interactifs a été programmée à l’aide d’un logiciel qui utilise des algorithmes pour repérer l’emplacement et les mouvements des personnes entrant dans la salle. Les projections de papillons, perchés sur les toiles, commencent alors à se déplacer et à voyager partout jusqu’à ce qu’elles atteignent les corps des spectateurs. Cette proposition artistique fait de l’espace une expérience dans laquelle les images coulent et se répandent dans la salle, jusqu’á déborder de toute surface qui voudrait les retenir.

Figure 1. Flutter of Butterflies Beyond Borders, Ephemeral Life Born from People, de TeamLab (2017).

Figure 1. Flutter of Butterflies Beyond Borders, Ephemeral
          Life Born from People, de TeamLab (2017).

Crédits : TeamLab.

La représentation d’images électroniques est constituée d’une matrice numérique, souvent créée à partir de codes binaires, qui sert de base au traitement des interfaces visuelles. Du côté de l’art, le cas particulier du projet artistique Data.tron, conçu par l’artiste Ryoji Ikeda en 2008, enquête sur l’interprétation des images en termes calculatoires dans l’espace numérique. L’œuvre fait partie d’une série d'expériences artistiques qui explorent ces questions, à la fois physiquement et mathématiquement. Grâce au travail de programmation de Shohei Matsukawa, le projet Data.tron est une installation audiovisuelle dans laquelle chaque pixel d’image est calculé selon un principe mathématique, à l’aide d’une combinaison de formules et d’une vaste masse de données présentes dans le monde. L’installation se compose d’un projecteur DLP et de haut-parleurs permettant de créer des flux d’images et de sons en temps réel. Les écrans rendent ainsi visible la vitesse des processus de calculs nécessaires à la constitution de banques d’images en ligne. Ces flux visuels sont projetés sur un vaste écran qui intensifie la perception d’un grand nombre d’images sans couche picturale, de sorte que les spectateurs se plongent dans une cascade de données entre 0 et 1 constituant les matrices des images numériques.

Figure 2. Data.tron, de Ryoji Ikeda (2014).

Figure 2. Data.tron, de Ryoji Ikeda
          (2014).

Crédits : Ryoji Ikeda.

Les transformations techniques dans « la société réseau » (Castells 2006 : 21) contribuent à l’expansion mondiale d’un espace de production et de réception d’images. Au début du XXe siècle, les formes de combinaison informatiques ont été identifiées avec le phénomène du « synergisme intermédiatique » (Gubern 2005 : 39), qui désigne la génération d’amalgames visuels dans l’espace numérique. Ainsi, la production visuelle s’oriente vers les stratégies d’hybridation, de fusion et de combinaison que les technologies d’interopérabilité du software rendent possibles (Manovich 2013 : 265). La confluence entre les images, les réseaux et les logiciels déploie tout un éventail de façons d’organiser et de transformer les images. Parmi les outils les plus utilisés, on trouve des logiciels de traitement d’images, des applications d’édition de réseaux sociaux et des plateformes de réalité augmentée.

L’essor des systèmes algorithmiques ont désormais la capacité de créer, d’évaluer et de combiner un grand nombre d’images. Parmi eux, les algorithmes d’IA faible, également appelée intelligence artificielle étroite (ANI, Artificial Narrow Intelligence), offrent un champ d’exploration entraînée et ciblée pour effectuer des tâches spécifiques, telles que la reconnaissance d’images. L’IA générative est l’une des sous-disciplines de l’IA. Elle fait référence aux modèles de deep learning capables de prendre des données brutes, comme l’ensemble des œuvres d’un artiste, et d’apprendre à générer des résultats statistiquement probables lorsqu’on leur demande de le faire. Le processus suit les instructions ou les demandes appelées prompts, que les utilisateurs donnent à l’IA pour effectuer une tâche ou fournir des informations. À un niveau élevé, les modèles génératifs codent une représentation simplifiée de leurs données d’apprentissage et s’en servent pour créer un travail similaire aux données d’origine. En ce sens, l’IA générative peut être considérée comme un modèle d’apprentissage automatique qui est formé pour créer de nouvelles données, plutôt que pour faire une prédiction sur un ensemble de données spécifiques (Zewe 2023).

Les langages de la sphère numérique ont connu une croissance du pouvoir des entreprises de l’information et de la communication, entraînant une transformation des espaces et des activités attribués à la circulation et au partage d’images. De nos jours, la culture visuelle prend la forme de la réception d’images très répandues dans la société, notamment dans la capacité expansive et la grande fascination que les industries du divertissement exercent sur les spectateurs grâce aux plateformes d’émission en streaming et aux réseaux sociaux. La mutation du « capitalisme culturel » a été analysée comme une nouvelle phase de l’économie qui se produit par la collision systémique entre les registres de l’économie et de la production symbolique » (Brea, 2008 : 7). Il s’agit d’un processus d’absorption des démarcations symboliques propres à l’art, à travers l’efficacité expansive des géants technologiques, notamment dans les industries du divertissement. Les différentes applications techniques comprennent un grand nombre de catégories et d’interprétations de l’image dans le phénomène de la mondialisation. Néanmoins, il indique également un espace de réception et de partage médiatique où les stratégies d’homogénéisation qualitative des images semblent avoir gagné du terrain, en particulier dans « la colonisation économique des expériences esthétiques », qui est suscitée par « les formes de séduction commerciale et ses processus typiques d’identification » (Prada 2023 : 15).Il en va de même pour les effets de la pluralité des activités et des manifestations médiatiques qui concernent l’espace de travail des artistes. La notion de pratique artistique vise à indiquer diverses problématiques concernant les médiations visuelles inscrites dans une économie d’échange spécifique. En ce sens, le champ technologique peut devenir une source d’expérimentation critique dans le domaine de l’art qui fait référence aux logiques de circulation et de valorisation des images. Dans ce contexte, les pratiques artistiques réfléchissent aux formes de réception des plateformes de socialisation, de partage et d’édition accessibles aux communautés connectées. L’intelligence artificielle est le dernier cadre médiatique qui mène à reconsidérer les concepts d'imagination et de créativité, tout en instaurant une nouvelle irruption par rapport aux manières de créer des images dans l’art contemporain.

Images partagées : art, participation et réseaux sociaux

L’engouement pour les réseaux sociaux a donné naissance à un vaste champ de partage d’images. Les données statistiques concernant l’usage d’Internet révèlent que ces plateformes sont au cœur d’un grand nombre de rapports médiatiques parmi les usagers. Selon le portail Statista (2023), on estime à 4,9 milliards le nombre d’utilisateurs d’Internet dans le monde, soit 63% de la population mondiale. Et environ 90% des internautes utilisent les réseaux sociaux à travers leur téléphone portable. En outre, l’activité sur les plateformes de médias sociaux ne cesse de croître. En moyenne, toutes les minutes en 2021, environ 240 000 photos ont été partagées sur Facebook, 65 000 sur Instagram, plus de 160 millions de vidéos ont été visionnées sur TikTok et 5,7 millions de recherches ont été effectuées sur le navigateur Google (DOMO, 2021).

L’activité de ces moteurs de recherche s’associe à des tâches de navigation et de visualisation, triées par le traitement d’images et les opérations algorithmiques. Ces plateformes accueillent des images qui se caractérisent par la réduction des données et la simplification du contenu graphique pour les adapter aux rythmes de téléchargement d’Internet. En ce sens, les images des navigateurs sont identifiées à une esthétique micro-média, un phénomène que L. Manovich (2000 : 5) a analysé pour souligner l’émergence d’un espace de distribution d’images caractérisé par l’utilisation d’appareils électroniques dotés de petits écrans et de logiciels programmés pour visualiser des fichiers à basse résolution. Il convient également de noter que les navigateurs sont des plateformes basées sur des opérations algorithmiques de filtrage et de sélection des contenus. L’apparence des images est organisée en fonction des tendances, des transits et des affinités liés à l’historique de navigation des utilisateurs. Les fonctions de tri et de prédiction des moteurs de recherche sont associées à un processus de surveillance de l'’activité des utilisateurs grâce à la collecte de données. Cette intégration permet de suivre leur activité dans les fonctions des systèmes d’exploitation et des logiciels open source, contrôlés par de grandes entreprises technologiques, comme l’a souligné Evgeny Morozov (2018 : 8-10).

Les navigateurs sont un terrain où les flux visuels quantifiés convergent avec les expériences partagées au sein des communautés connectées. Dans ce contexte, le travail artistique s’oriente vers une poétique de la recherche pour réfléchir aux paramètres informatiques des résultats visuels des navigateurs. La proposition artistique Impression(s), Soleil Levant, réalisée par Corinne Vionnet entre 2013 et 2017, s’intéresse à la diversité des fichiers et des structures formelles des images diffusées sur Internet. L’artiste a effectué un travail de recherche d’images sur les navigateurs en introduisant le titre de l’œuvre Impression, Soleil Levant, conçue par l’artiste Claude Monet en 1872. Le processus artistique prend la forme d’une projection constituée d’une compilation de quatre-vingt-quatorze images numériques téléchargées. Les contenus montrent la disparité des couleurs, des éclairages, des compositions et des échelles parmi les images qui faisaient référence à la peinture. Les transformations sont le résultat de multiples échanges, de choix d’édition et d’opérations de compression visuelles qui ont été réalisées par les usagers. De cette manière, le projet artistique tisse de nombreuses actions spontanées, constituant un parcours continu de mutations formelles à travers le classement d’une image de l’art circulant sur le Web.

Figure 3. Impression(s), Soleil Levant, de Corinne Vionnet (2013-2017).

Figure 3. Impression(s), Soleil Levant,
          de Corinne Vionnet (2013-2017).

Crédits : Corinne Vionnet.

Les réseaux sociaux promeuvent un espace d’échange et de participation en invitant les utilisateurs à interagir constamment avec des images. Cette caractéristique est liée à une condition conversationnelle des images, ce qui les place dans un contexte d’usages imprévus qui combine les opérations informatiques et les réactions spontanées des usagers (Gunthert 2014 : 1). Cependant, l’utilisation des réseaux sociaux s’articule à un cadre médiatique plus complexe. Selon l’analyse de Yochai Benkler (2006 : 377), les blogs et les réseaux sociaux favorisent les dynamiques participatives en générant un contexte de plus grande élasticité face aux aspects hiérarchiques et restrictifs d’autres modèles de communication. Une autre perspective considère que les usages des réseaux sociaux n’ont fait que renforcer l’ordre médiatique établi dans une société positive, dans la mesure où il y a une tendance des technologies en réseau à renforcer plutôt qu’à remettre en question l’ordre social existant. Ce phénomène se produit en partie car les réseaux sociaux sont composés sur la base de l’attraction, de l’admiration et de l’intérêt partagé, d’après les chercheurs David Herbert et Stefan Fisher-Høyrem (2021 : 2).

Les dynamiques de partage et d’actualisation sont devenues un domaine de recherche artistique. Le projet Realtime Stories, réalisé par l’artiste Marc Lee en 2015, est une installation composée de plusieurs écrans et d’un moniteur connecté à Internet. La salle est composée de huit canaux audio et de quatre projections qui recouvrent les murs de la pièce. Grâce au moniteur, les téléspectateurs étaient invités à rechercher et à cartographier des images partagées à l’époque par des communautés connectées du monde entier. Ces images sont également filtrées par des critères algorithmiques, qui les classent en fonction de leur localisation et des étiquettes « nouveauté » et « dynamisme » attribuées sur les réseaux sociaux. Les contenus issus de plusieurs réseaux sociaux sont projetés simultanément sur les écrans de la salle. La mosaïque d’images et de vidéos des internautes varie en fonction des likes et des réactions des usagers. L’installation résulte de la convergence de composantes visuelles, textuelles et auditives et confronte les spectateurs à un espace de mise à jour des profils de communautés connectées. Ce jeu imaginaire tisse ainsi un flux d’images atomisées qui sont partagées simultanément parmi les communautés en ligne.

Figure 4. Realtime Stories, de Marc Lee (2015).

Figure 4. Realtime Stories, de Marc Lee
          (2015).

Crédits : Marc Lee.

Par ailleurs, la hausse des dynamiques de participation et de partage sur les plateformes de médias sociaux a intensifié la confluence entre les émotions, les données et les algorithmes. La diffusion de contenus, constituée en grande partie grâce aux boutons « j’aime » et « favori », s’apparente à des formes de communication propres d’une société positive (Han 2013 : 22). En ce sens, les images partagées et leurs réactions sont devenues des actifs précieux de « l’économie affective » et du « capital émotionnel », établissant un nouveau domaine de gestion des données, dans lequel « les réseaux sociaux ont inauguré une catégorie prolifique d’informations démographiques productives dans l’enregistrement d’informations positives plutôt que descriptives » (Andrejevic 2013 : 15).

Au début du XXIe siècle, la capacité de l’affection était considérée comme une variable inhérente au capitalisme tardif (Massumi 2002 : 45). Aujourd’hui, nous vivons une époque où l’émotion est devenue un domaine particulièrement remarquable. L’économie de l’image liée à l’usage d’Internet a saturé les activités transactionnelles d’expériences affectives. Selon la sociologue Eva Illouz, « les actes de consommation et la vie émotionnelle s’entrelacent désormais jusqu’à devenir inséparables, jusqu’à se définir et s’autoriser mutuellement ; les marchandises facilitent l’expression des émotions et aident à en faire l’expérience ; et les émotions sont converties en marchandises » (2019 : 24). Ces nœuds soulignent un nouveau rapport entre les données et la participation des communautés connectées, dans la mesure où les actions et les réactions les encouragent à faire partie des « émotions sociales », en référence à un complexe processus d’« identification des éléments et des conditions qui agissent sur la motivation à s’intégrer et à coopérer dans ces réseaux » (Prada 2012 : 40).

Le lien entre le volet émotionnel et le volet calculable des activités communicatives est le sujet du projet artistique Kiss or Dual monitors organisé par le collectif Exonemo en 2017. Au milieu de l’installation, on trouve deux écrans face à face et reliés par un mélange de câbles, dont l’extension couvre toute la surface de la pièce. D’une certaine façon, les deux images numériques essaient de s’embrasser. Simultanément, le reste des moniteurs fixés aux murs affichent des conversations en temps réel qui s’écoulent de manière automatique. Ce travail établit un lien entre les capacités génératives des applications de messagerie instantanée et la connotation affective des mots constituant les conversations. Les messages sont programmés à l’aide d’un logiciel de combinaison aléatoire de trois cents mots, lesquels font référence à deux types d’émotions : l’amour et la haine. Contrairement à l’intensité de ce type d’émotions, le projet artistique altère les textes en appliquant un ton neutre, ce qui efface toute connotation émotionnelle. Ce jeu de dissociation suggère ainsi un processus dans lequel aucun être humain n’est impliqué dans la tâche d’écriture, ni dans la combinaison d’images. Le manque de nuances émotionnelles semble alors souligner la nécessité de l’implication sensible des utilisateurs face à l’irruption des nouveaux modèles génératifs des algorithmes.

Figure 5. Kiss or Dual monitors, du collectif Exonemo (2017).

Figure 5. Kiss or Dual monitors, du collectif Exonemo
          (2017).

Crédits : collectif Exonemo.

Les réseaux sociaux révèlent la volonté des usagers de visualiser et de partager des images en permanence. Les expériences affectives qui favorisent l’échange d’images sont liées au phénomène de « sociabilité photographique » (Samuel-Beuscart ; Cardon, Pissard et Prieur, 2009 : 91), qui désigne les multiples usages de la photographie numérique comme objet de conversation et d’exposition sur les plateformes de médias sociaux.

Le projet artistique Chat Poster, réalisé en 2020 par l’artiste Thomas Hirschhorn, explore les formes d’interaction des plateformes de messagerie instantanée à travers l’envoi d’images et de textes. L’installation est composée de vingt-trois images picturales qui prennent la forme de l’interface de dialogue d’une application de messagerie instantanée très répandue. L’installation propose une forme de visualisation et de lecture fragmentée à partir de la prise d’extraits de l’ouvrage La Pesanteur et la grâce de Simone Weil, ainsi que d’images téléchargées d’œuvres d’art. Les contenus s’entrelacent en fonction des modèles d’interfaces visuelles de communication sociale. Sur les supports, les textes sont transformés en conversations affichées dans un fil de discussions sous forme de bulles. L’installation artistique évoque ainsi un espace de visualisation plein de fichiers compressés, ce qui souligne notre habitude de regarder et de partager toute sorte d’images et de textes de façon rapide et de plus en plus miniaturisée. Cependant, l’entrelacement des images avec des fragments de textes, d’émoticônes et de notes vocales constitue un jeu poétique qui modifie les formes de réception visuelle en laissant du temps pour une attention plus soutenue aux contenus. Cette stratégie peut être comprise comme une interruption face aux environnements de communicabilité accélérée et à l’esthétique des micro-médias qui caractérisent les réseaux sociaux.

En ce qui concerne les activités d’édition, Internet a signifié une revalorisation des manifestations collectives et enthousiastes en devenant un territoire d’influence considérable sur la diffusion des pratiques amateurs (Leadbeater et Miller 2004 : 12). L’emploi des outils d’édition visuels sur les réseaux sociaux est le sujet de la proposition artistique Stories, réalisée par Almudena Lobera en 2020. L’installation artistique est composée d’un tapis roulant sur lequel se trouvent quinze pièces. La disposition des objets en mouvement fait ainsi référence à l’acte de faire glisser une image vers le haut (swipe) ou de balayer l’écran du côté droit vers le gauche.

À l’intérieur, les objets font allusion à différentes façons de créer des images. D’une part, certains objets sont liés à la tradition de la peinture, comme la figure d’un couple qui se cache avec un voile, en référence au tableau Les Amants de l’artiste René Magritte. Sur les figures, en outre, on a appliqué un filtre de beauté, disponible comme effet visuel sur la plateforme sociale. D’autre part, il y a des objets suggérant un ensemble d’outils pour créer et retoucher des images. Parmi eux, on trouve une carte de palette de couleurs, la coque en cuivre d’un téléphone portable sur laquelle le symbole de la caméra rotative est gravé. On peut également voir quelques bocaux de poudre colorée violette, en référence à la gamme de couleurs la plus reconnaissable de l’une des interfaces des ordinateurs.

Les divers outils de construction d’images sont présentés dans des fenêtres, si bien que les spectateurs doivent s’éloigner ou s’approcher du mur. Dans cet espace, la position du spectateur est inversée, ce qui exige un déplacement pour trouver l’angle convenable et prendre une photo. Ces gestes constituent une invitation de l’artiste à l’adresse des spectateurs pour créer du contenu et le publier sur Internet. On peut s’attendre à ce qu’ils poursuivent le processus d’édition et de partage depuis leurs profils d’utilisateurs, en ajoutant de nouvelles images de l’exposition à leurs stories.

L’installation devient ainsi un circuit qui réfléchit sur les nouveaux assemblages créatifs d’Internet. Les effets des outils d’édition ouvrent de nouvelles voies d’hybridation dans la production visuelle. Dans ce cas, la combinaison concentre le sujet sur les différentes façons de construire des images. Un espace où les méthodes héritées et les images de l’art traditionnel sont mises en relation avec un ensemble d’outils propres à l’espace numérique. En ce sens, le travail poétique peut être compris comme une signalisation des transformations de l’activité visuelle, ce qui réclame également de nouvelles articulations sociales des images dans le domaine des pratiques artistiques contemporaines.

Figure 6. Stories, de Almudena Lobera (2020).

Figure 6. Stories, de Almudena Lobera
          (2020).

Crédits : Almudena Lobera.

Dans l’utilisation des plateformes sociales, différentes activités d’édition et divers outils de recherche visuelle prolifèrent. À travers leurs interfaces graphiques, une cartographie des dynamiques simultanées, des échanges affectifs et des formes d’indexation automatisée est établie. Dans la poétique de la recherche, les pratiques artistiques reformulent les tensions, les densités et les flux des opérations algorithmiques qui conditionnent l’apparition des images dans les navigateurs. De même, les comportements des communautés participantes sont associés à des pratiques amateurs, ouvrant un horizon de multiples manifestations créatives qui intéressent le champ réflexif de l’art. De ce point de vue, les poétiques artistiques modifient les formes de prédiction quantifiée et de gestion automatisée qui prédominent dans les espaces de visualisation et de partage des réseaux sociaux.

Instants quantifiés : art, algorithmes et affects

Dans la culture visuelle d’aujourd’hui, les modes de construction et de partage des images sont déplacés vers un nœud complexe entre les capacités sensibles humaines et les méthodes algorithmiques, dont les opérations ont acquis un haut degré d’autonomie et d’automatisation des données à l’échelle mondiale. Les algorithmes participent à un changement produit dans l’infosphère, en référence à une couche électronique où la distribution des images est de plus en plus délocalisée, relationnelle et synchronisée (Floridi 2014 : 77). L’interdépendance des technologies favorise l’interopérabilité de celles-ci et permet de réaliser un grand nombre de tâches de gestion de l’information de manière logique et autonome.

Selon une approche intégrée des technologies de l’information, l’utilisation algorithmique des données relève à la fois d’un phénomène propre à l’administration électronique de la vie, qui contribue insidieusement à réguler le champ social en évitant le minimum de friction, et d’un processus continu, indéfiniment lisse et très dynamique (Sadin, 2018 : 138). De même, les cadres de quantification peuvent également offrir de nouvelles possibilités créatives basées sur l’intelligence collective, en tendant vers un nouveau seuil d’augmentation des capacités humaines grâce à l’utilisation d’algorithmes (Levy, 2016).

Une autre approche, cependant, nuance les limites des cadres de compréhension humaine basés sur les méthodes de quantification. Ces modèles mathématiques ont généré des expériences constituées d’« instants quantifiés » (Guardiola 2019 : 11), en établissant un grand nombre de comportements qui sont recadrés en fonction de la disponibilité des données. L’analyse des données nécessite de reformuler ses paramètres pour tenir compte de résultats axés sur la diversité, qui prennent en considération la pluralité des points de vue et des sensibilités au sein d’une mosaïque de différentes vulnérabilités (Innerarity, 2021 : 71). Il s’agirait alors de remarquer les opérations algorithmiques qui tentent de reconstruire une théorie des acteurs (García Canclini, 2018 : 103), de sorte que les opérations de marchandisation et de datafication se combinent avec les actions d’êtres humains qui font l’expérience du sensible, de la contradiction, de l’imperfection et du contact avec les autres.

Dans le domaine de l’art, la question des algorithmes permet d’explorer de nouvelles marges entre les structures des réseaux sociaux et les sensibilités humaines. Le projet The trolls, créé par l’artiste Trevor Plagen en 2019, s’intéresse aux processus algorithmiques que les systèmes d’intelligence artificielle utilisent pour identifier des modèles controversés sur les réseaux sociaux. L’installation se compose d’une image picturale au format quadrangulaire réalisée avec une technique de la sérigraphie très subtile. La formalisation des images accentue une tension entre la lecture des dynamiques inacceptables de certains messages diffusés sur Internet, et le caractère délicat, voire naïf, d’une typographie en rose. La surface montre ainsi un ensemble de phrases utilisées pour entraîner les systèmes à identifier les modèles de langage les plus courants dans les comportements provocateurs. Le terme « troll » fait référence à une activité répandue parmi les utilisateurs d’identité inconnue qui participent à des communautés en ligne en publiant des messages controversés, offensants ou non pertinents dans le but d’ennuyer ou de blesser les sensibilités. Face à ces dynamiques, des systèmes algorithmiques sont développés pour détecter, censurer et gérer ces formes de cyberharcèlement et d’inconfort de manière automatisée.

L’installation rend visible aux spectateurs un ensemble de messages humains que les opérations algorithmiques essaient de contrôler sur les réseaux sociaux. Cependant, les images de l’art essaient d'interrompre le circuit de diffusion et elles créent un autre espace imaginaire. Dans la tension entre le caractère aimable de l’interface et la dynamique inacceptable des messages, le jeu poétique dépasse les délimitations computationnelles et sensibles qui ont émergé sur les réseaux sociaux.

Figure 7. The trolls, de Trevor Plagen (2019).

Figure 7. The trolls, de Trevor Plagen
          (2019).

Crédits : Trevor Plagen.

Par ailleurs, l’activité des algorithmes liée aux techniques de reconnaissance automatique des images est le sujet du projet Digital Dust présenté par l’artiste Lilly Lulay en 2018. Le travail porte sur les algorithmes de tri sélectif qui interviennent dans les mémoires des smartphones. Concrètement, le projet artistique utilise le contenu visuel avec lequel l’artiste a interagi pendant un an. Le processus artistique organise les images à l’aide de l’application Google Photo, qui permet d’identifier, de baliser et de stocker le contenu de manière automatisée dans le cloud.

L’installation artistique est formalisée par des impressions sur tissu recto-verso de plus de cinq mètres de long. Le projet transfère les images dans un format physique et les organise selon des chronologies structurées par l’application d’images, de sorte que chaque bande affiche tous les petits objets identifiés par les techniques de reconnaissance algorithmique. Les grilles d’organisation montrent ainsi les figures contournées et découpées par les opérations algorithmiques. Toutes les figures cerclées deviennent une sorte de poudre visuelle composée d’objets tels que des mains tenant un portable, des verres, des lunettes, des paysages, des sacs à dos, des plantes en pot, des plats, des cadres ou des ailes d’avion. L’ensemble nous montre les résultats des opérations algorithmiques qui ont décidé quels étaient les contenus les plus remarquables des images. Le tissu imaginaire proposé par l’artiste nous invite alors à réfléchir à un récent tissu automatisé qui constitue de nouvelles formes d’interprétation des imaginaires partagés. Dans ce jeu poétique, les pratiques artistiques reformulent les médiations effectives et réintroduisent ainsi la présence humaine dans les espaces déterminés par des calculs structurants, ceux que le regard algorithmique a modélisés.

Figure 8. Digital Dust, de Lilly Lulay (2018).

Figure 8. Digital Dust, de Lilly Lulay
          (2018).

Crédits : Lilly Lulay.

Le dernier cas d’étude est associé aux intersections entre les sensorialités humaines et les processus de gestion et d’apprentissage des systèmes d’intelligence artificielle. Les intersections imaginaires qu’elles formulent montrent des outils à fort potentiel pour développer des recherches artistiques autour de la mixité sensorielle et de l’hybridation médiatique. Bien qu’il s’agisse d’un processus non concluant, les techniques d’intelligence artificielle suivent des dynamiques expansives qui dépassent les capacités de perception et de compréhension humaines. Les processus globaux d’automatisation et de synchronisation se sont tellement accélérés qu’ils anticipent les processus de mémoire humains (Hui 2016 : 322). Alors que cette notion ne cesse de gagner en puissance, d’autres travaux de recherche reflètent l’hybridation entre les modèles d’intelligence artificielle et nos capacités cognitives. Parmi eux, les systèmes multimodaux et polyvalents suggèrent un entrelacement intéressant des capacités humaines et technologiques. De nos jours, des recherches ont employé la méthodologie « human-in-the-loop » pour expérimenter des modèles d’apprentissage automatique à différents degrés d'interaction entre machine et humain. Un exemple est l’exécution d’expériences qui étudient la manière dont les modèles d’intelligence artificielle peuvent expliquer aux gens pourquoi les logiciels ont choisi une solution particulière (Mosqueira-Rey, 2022).

Dans le domaine de l’art, le projet Cleaning Emotional Data, réalisé par l’artiste Elisa Giardina en 2018, enquête sur la relation entre la méthode human in the loop et les travailleurs chargés du nettoyage des données pour l’amélioration des systèmes de reconnaissance automatique d’émotions. Ceux-ci doivent notamment établir une taxonomie des émotions, annoter les expressions faciales et reproduire des gestes. Selon les recherches de l’artiste, ce travail permet aux entreprises et aux gouvernements de classer un grand nombre de données visuelles. Ces banques de données servent ainsi à identifier des émotions et à détecter des citoyens potentiellement dangereux. De même, le processus artistique utilise des données historiques sur l’étude des émotions qui remettent en question les méthodes et les théories psychologiques, et développe ainsi une cartographie des expressions faciales.

Compte tenu des matériaux, l’installation artistique est composée de trois pièces de tissu argenté sur lesquelles sont brodés des termes utilisés pour l’apprentissage automatique des émotions. Les formats textiles, réalisés en collaboration avec le designer Michael Graham, affichent plusieurs énoncés exprimés en deux langues, l’anglais américain et en sicilien, qui font référence aux deux langues maternelles de l’artiste. Les dispositifs numériques, situés à côté des tissus, mettent en évidence les conditions précaires d’un travail délocalisé en montrant les profils de plusieurs employés en train d’effectuer des tâches d’apprentissage interactif. La broderie juxtapose ainsi les lignes abstraites des micro-expressions faciales détectées par les algorithmes avec un vernaculaire émotionnel intraduisible du dialecte sicilien. Les implications de cette exigence de lisibilité émotionnelle interrogent les paramètres de l’activité combinée du langage informatique et du langage humain. Ce jeu autour de la poétique affective, ouvre un espace de réflexion de l’art sur la manière dont les sensibilités émotionnelles dépassent la catégorisation réductrice des algorithmes. Il s’agit en effet d’éléments non quantifiables, mais indispensables à la compréhension de l’émotion et du langage humains.

Figure 9. Cleaning Emotional Data, de Elisa Giardina (2018).

Figure 9. Cleaning Emotional Data, de
          Elisa Giardina (2018).

Crédits : Elisa Giardina.

Conclusion

Dans la formulation de cet article, nous avons essayé de proposer une ligne de réflexion sur l’art en traversant une arène de profondes transformations technologiques et visuelles. Les chemins que nous avons parcourus se déploient dans une période de changements extraordinaires, où le travail des artistes est lié aux usages des réseaux sociaux et des modèles d’intelligence artificielle pour la génération d’images. Ces circonstances entraînent une transformation profonde dans la manière de concevoir leurs pratiques dans le capitalisme culturel. Les propositions artistiques étudiées se placent ainsi dans un terrain de problématisation de nouvelles formes de circulation et de génération du visuel.

D’une part, la confluence entre les communautés connectées, les réseaux sociaux et les données permet aux pratiques artistiques de révéler une réalité visuelle plus complexe, composée d’une mosaïque de nombreuses sensibilités sociales. La couche algorithmique des réseaux sociaux offre une grande potentialité qui combine les techniques de quantification et les outils d’analyse des réactions des usagers. Cependant, il convient de tenir compte du fait que les opérations sont inscrites sur une réalité récupérée qui est basée sur la collecte des données. Les systèmes peuvent donc déclencher une compréhension de la réalité limitée à une dimension prédictive et décisionnelle. En revanche, le travail des artistes permet d’altérer les cadres d’organisation des opérations algorithmiques en reformulant les voies d’apparition et d’échange des images qui se produisent dans ces contextes de connectivité.

D’autre part, les liens entre les capacités sensorielles humaines et les méthodes d’intelligence artificielle permettent d’explorer d’autres zones de contact imaginaire dans le domaine de l’art. Les méthodes algorithmiques montrent une énorme capacité à générer et à classer des bases de données visuelles. Elles représentent également un domaine prolifique pour la gestion et la prédiction des comportements sociaux. Dans ce contexte, les implications émotionnelles interrogent les paramètres de l’activité conjointe des modèles de génération d’images et des capacités sensibles humaines. Les pratiques artistiques analysées proposent différentes poétiques affectives pour imaginer d’autres voies qui dépassent la catégorisation visuelle des algorithmes. Ces propositions artistiques pourront probablement contribuer à affecter l’économie des images. Le jeu poétique qu’elles retiennent est celui d’imaginer d’autres combinaisons médiatiques dans la culture visuelle. En ce sens, les différentes voies d’interprétation de l’art ont désigné d’autres domaines du visuel pour formuler un tissu alternatif de possibilités de connaissance avec les images.

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Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

María Jesús Armesto Martínez, « Poétiques affectives des images », Textes et contextes [En ligne], 19-2 | 2024, publié le 15 décembre 2024 et consulté le 12 mars 2025. Droits d'auteur : Licence CC BY 4.0. URL : http://preo.ube.fr/textesetcontextes/index.php?id=5102

Auteur

María Jesús Armesto Martínez

Docteure en Beaux-arts de l’Université Complutense de Madrid, 970588 - Prácticas artísticas y formas de conocimiento contemporáneas, Faculté des Beaux-arts de l’Université Complutense de Madrid, 2 rue Pintor el Greco, 28040 Madrid (Espagne)

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