Ce volume thématique consacré aux « Représentations du monde hispanique actuel dans les séries télévisées » s’inscrit dans un cycle de réflexion plus large autour des représentations du monde hispanique dans les médias, engagé à l’Université Grenoble Alpes sur le site délocalisé de Valence. Ce projet a reçu le soutien du laboratoire ILCEA4 (EA 7356) et vise à mettre en regard la diffusion de récits et d’images dans les médias grand public et leur référent culturel, à savoir le monde hispanique contemporain.
Dans la lutte, d’après les termes d’Umberto Eco (1964), entre les apocalyptiques de la culture savante et les intégrés qui accueillent les médias de masse comme une opportunité, la place de la télévision comme produit culturel n’a eu de cesse de faire polémique. Dans le monde actuel, le produit télévisuel le plus diffusé et sans doute le plus complexe, à savoir les séries télévisées, connaît un essor sans précédent et une évolution permanente en raison de son succès. D’ailleurs, les séries télévisées s’appuient aujourd’hui, comme leur nom ne l’indique pas forcément, peut-être moins sur la télévision que sur les nouveaux médias, notamment les plateformes de vidéo à la demande qui accentuent l’accessibilité de productions internationales, transfrontalières, dans le monde globalisé qu’avait si bien décrit Marshall McLuhan (1964). Dans ce village planétaire, influencé dans le monde occidental par les productions audiovisuelles nord-américaines qui ont longtemps prédominé au niveau international, les productions en espagnol ou sur la culture hispanique se multiplient. Alors que l’on annonçait une uniformisation culturelle, la culture de masse s’empare de manière inattendue des cultures locales ou régionales, reflétant avec intérêt et non sans humour la manière de vivre et de penser de l’Autre, et même des cultures métissées et transnationales, issues de l’exil ou des migrations.
Il faut dire que, quels que soient la thématique et le point de vue choisis, les séries ou les telenovelas objets d’étude de ce volume thématique de Textes & Contextes partagent les mêmes ressorts, à commencer par l’attrait de fictions caractérisées par la force d’une histoire, de l’image et des multiples formes de récurrence. Ainsi, malgré la variété des séries et de leur origine, grâce aux plateformes qui promeuvent de plus en plus la diversité des produits audiovisuels dans le but de satisfaire le plus grand nombre, elles partagent un certain nombre de traits communs. D’abord, elles suivent les aventures des protagonistes, leur vie et leur évolution — par effets successifs de surprise et de retournement de situation — au sein et au contact de la société, quelle qu’en soit l’échelle, de la famille — ou groupe d’amis — à la ville ou à une communauté plus large. Ensuite, elles jouent sur un fort ancrage culturel dans des réalités contextuelles, comme l’actualité immédiate, mais aussi les fêtes et coutumes ou certains événements historiques, au point de se rapprocher parfois de la docufiction. En outre, des jeux de connivence, sur lesquels reposent bien souvent l’humour, la satire ou l’ironie, permettent une implication intellectuelle et émotionnelle du téléspectateur (Colonna 2015). Cette implication est renforcée par les phénomènes préparés d’identification entre les personnages principaux, les plus profonds et à la psychologie travaillée, et les sériephiles (Sepulchre 2017). La construction d’une série, bien que reposant sur des types de personnages ou des personnages-types, a fréquemment recours à ce qui est original, marginal ou différent pour s’en amuser, mais aussi pour le donner à voir, le découvrir, le reconnaître, voire in fine l’accepter. En ce sens, bien que les représentations véhiculées par les séries soient relativement fidèles à la réalité, elles jouent aussi sur le contraste et le décalage, sans connaître la peur de friser la caricature, que tend à éviter à tout prix la grande littérature, par exemple. Enfin, les effets cognitifs et affectifs ménagés expliquent en partie le caractère addictif de la succession d’épisodes. Les séries deviennent vite une drogue quotidienne pour les téléphages accros à leur écran.
Le genre de la série télévisée, à l’hybridité constitutive, proche par certains aspects tant du populaire que de la culture savante, tant du roman que du cinéma, tant du fictionnel que du documentaire, constitue ainsi un moyen d’accès à la culture hispanique dans son ensemble, à ses lieux, à son histoire et à ses contextes politiques, sociétaux ou économiques. Toutes ces caractéristiques en font, en conséquence, un objet d’étude et de recherche particulièrement intéressant, comme les articles de ce volume le prouvent. La plupart des chercheurs qui se sont prêtés au jeu de cette réflexion collective sur les représentations du monde hispanique dans les séries télévisées ne sont pas spécialistes de l’image au sens du medium audiovisuel. La question des représentations s’impose cependant avec force dans leurs recherches, qu’elles soient à dominante culturelle, sociologique ou civilisationniste. Ces multiples fenêtres sur un média empreint d’actualité permettent, de fait, d’explorer de nombreuses questions ayant trait à la culture hispanique.
Ce volume se divise en deux sections selon un partage en fonction des problématiques, mais surtout des aires culturelles : l’Espagne, d’une part, et l’Amérique du Nord, d’autre part. Les deux parties montrent ainsi des réalités différentes d’un continent à l’autre.
En Europe, ce sont les identités locales, régionales, voire nationales ou nationalistes qui sont reflétées dans un certain nombre de séries consacrées aux « représentations de l’Espagne ». Plusieurs configurations sont étudiées, dépendant de référents géographiques réels, allant du quartier sensible de la banlieue madrilène d’Entrevías à la station balnéaire hyper-touristique de Benidorm, se trouvant sur la côte méditerranéenne, et au Pays basque espagnol. Il est intéressant de constater que le nom des trois séries analysées se rapporte directement à l’ancrage spatial et spatio-culturel représenté. Entrevías (2022-2023) place la vie du quartier éponyme de Madrid et de ses bandes au cœur d’une fiction mélodramatique. Cette toile de fond renvoie à des problématiques sociales, de la capitale et plus globalement espagnoles. Benidorm (2007-2009) opère comme une synecdoque, puisque la ville de la côte valencienne figure en quelque sorte une Espagne directement issue de l’imaginaire britannique. La représentation à l’œuvre dans la série repose ainsi sur une vision fantaisiste et fantasmée, pleine de l’exotisme qui rend le tourisme espagnol si attractif. Enfin, Patria (2020) fonctionne comme une métonymie, la « patrie » renvoyant à l’enjeu nationaliste de la série autour de l’identité basque cristallisée par l’ETA.
De ce fait, David García Ponce part de la représentation spatiale à l’œuvre dans Entrevías pour souligner les problématiques sociales autour desquelles gravite l’intrigue. Partant, l’article « Identidades en conflicto: arraigo y estigmas en el análisis socioespacial de la serie Entrevías (Temporadas I-III) » permet de mieux appréhender le contexte culturel espagnol qui se trouve au cœur de la représentation. Tous les téléspectateurs de la série ont pu voir comment les vieilles quincailleries sont remplacées par des bazars chinois, comment le racisme et le rejet des Sud-Américains s’expriment dans un quartier perçu comme dangereux, dépeint dans la fiction à travers le prisme de la violence, du trafic de drogue ou d’un viol. En dépit de l’absence des ouvriers, qui auraient donné une portée sociale plus importante à la série, se trouvent les questions qui résonnent dans la société actuelle, telles que la spéculation immobilière, la solidarité au sein de la ‘communauté’ des voisins ou encore le besoin d’un travail pour les populations pauvres qui veulent s'en sortir. Plusieurs analyses de l’article sont éclairantes, comme celle de l’occupation des non-lieux (Augé 1992) qui deviennent des espaces marginaux de socialisation dans la fiction.
Dans « Las representaciones de España como destino turístico en la serie británica Benidorm », Mariana Domínguez Villaverde étudie la représentation de Benidorm en tant que station balnéaire et l’image des touristes britanniques qui l’arpentent. Les personnages typifiés, au caractère outrancier, ridiculisent une société de consommation marquée par la superficialité et une distinction de classe. L’autrice parcourt ainsi les clichés liés à l’activité touristique conduisant à des situations burlesques, qui amusent les téléspectateurs, tout en soulignant la portée critique de la série. Dans une perspective civilisationniste, l’article met alors en lumière la construction de Benidorm à la fois comme un espace réel et comme un personnage de fiction façonné par l’imaginaire des touristes étrangers, qui se nourrissent des représentations traditionnelles de l’Espagne littorale. Au-delà de l’image caricaturale de la station balnéaire espagnole, l'impact de la série sur le public britannique a été significatif. En effet, cette dernière a contribué à faire de Benidorm une icône culturelle, relayée par d'autres moyens de diffusion comme la photographie, la presse ou la publicité. Par ailleurs, l’article met en évidence des pratiques touristiques qui reproduisent souvent des modèles coloniaux, puisqu'elles reposent sur une ‘ethnicisation’ de l'autochtone, se trouvant au service du touriste, et sur d’anciens modèles de domination Nord-Sud. Ce comportement néocolonialiste s'inscrit aussi dans la dynamique humoristique générale de la série. Finalement, l’autrice remarque l’absence de la culture authentique de l’Espagne et des Espagnols dans la série, qui brosse surtout un portrait teinté d’autodérision du touriste britannique, enclin à réduire l’Espagne à un simple objet de consommation.
Dans « La série Patria : un lieu de mémoire pour le Pays basque ? », Lucas Merlos s’intéresse à la représentation du Pays basque confronté à l’ETA et à la question identitaire qui est explorée à partir de problématiques personnelles et interpersonnelles. Ce récit mémoriel mis en scène s’appuie sur le roman éponyme de Fernando Aramburu. Ce substrat littéraire explique probablement la complexité de la série qui tourne notamment, d’après l’auteur de l’article, autour de la notion de lieu de mémoire (Nora 1984-1992). L’objectif ainsi visé est d’évaluer la portée mémorielle de Patria au travers de ce double récit, celui du conflit terroriste et celui des victimes. Les violences de l’ETA et celles de l’État espagnol seraient-elles, par le jeu de la paronomase de la langue française, similaires ? De fait, la question du lieu de mémoire est entière lorsqu’il s’agit d’images, c’est-à-dire de représentations. Le parti pris de la série a été d’ailleurs de tourner dans le Guipúzcoa, avec des acteurs provenant de cette patria chica chère aux Basques. Les attentats et l’assassinat d’un des personnages principaux représentés dans ce contexte géographique et historique permettent d’humaniser le conflit, tout autant les victimes que les bourreaux. La série s’avère donc nécessaire pour donner à voir cette réalité conflictuelle, pour ne pas oublier. Elle pose également la question sensible de la possibilité d’une réconciliation par un récit commun perçu comme une gageure.
La deuxième partie de ce volume thématique s’occupe de la vision des minorités aux États-Unis et au Mexique véhiculée par des séries ou des telenovelas, deux manifestations télévisuelles qui montrent combien le medium sériel comporte une dimension culturelle, y compris dans sa forme. Les Latinos aux États-Unis sont étudiés au travers de deux exemples particulièrement instructifs, d’une part, la représentation des Cubains et de la cubanité dans le cadre d’une famille originaire de l’île caribéenne établie en Californie, d’autre part, l’intersectionnalité vécue par des membres de la communauté LGBTQ+ d’origine latino-américaine dans les grandes villes états-uniennes. La mise en évidence de ces minorités est cruciale, bien que problématique, dans les séries examinées dans les deux premiers articles de la section. Enfin, le dernier article du volume s’intéresse à la représentation des peuples autochtones du Mexique dans des séries appartenant au genre des telenovelas. Ces productions audiovisuelles mexicaines mettent en scène, sur le modèle « Cendrillon », des récits mélodramatiques qui révèlent non seulement les tensions sociales, mais aussi les représentations racisées des femmes indigènes.
Ainsi, Janice Argaillot explore « L’image projetée du ‘Latino’ dans la série One day at a time (Au fil des jours) ». Son article décortique plusieurs saisons de cette série (2017-2020) qui explore la représentation de la latinité ou de la cubanité à travers la mise en scène du quotidien de trois générations d'une même famille, d'origine cubaine mais vivant à Los Angeles. Basée sur l’humour, qui rend visibles les problématiques culturelles, la série aborde les questions de l’exil, de l’identité et du rapport complexe de la communauté cubano-américaine avec Cuba et avec la langue espagnole. Les clichés sont déconstruits par l’autrice jusqu’à mettre en relief la difficulté pour les communautés à avoir une identité stable et, finalement, à se connaître ou se reconnaître. L’article dans son ensemble analyse certaines situations représentées dans la série pour leur offrir un éclairage culturel, autour de la perception et de l’auto-perception de la communauté latino aux États-Unis. Une place importante est donnée à l’humour, qui est omniprésent, notamment dans l’utilisation des clichés sur certains traits de caractère des Latinos, tout particulièrement les Mexicains et les Cubains. Les images peuvent, en effet, être faussées par une latinité globale réductrice et des rôles créés pour un public d’abord états-unien. En somme, l’article soulève toute la complexité liée à l’hybridité ou au métissage des cultures.
Dans « Représentation(s) et luttes des Latinx queers dans les reboots, remakes et revivals LGBTQ+ états-uniens », Alexandre Adouard étudie la présence des Latinos, ou plutôt des Latinx selon la dénomination LGBTQ+, dans plusieurs séries nord-américaines qui prolongent, d’une manière ou d’une autre, des séries plus anciennes. Reprendre, recréer ou réécrire une série à succès dans le contexte actuel permet d’offrir des représentations nouvelles de la vaste communauté LGBTQ+. La présence de Latinx soulève des questions non seulement de représentation, mais aussi de représentativité et d’intersectionnalité. Est-ce qu’un Latinx gay ou une Latinx trans représente d’abord une communauté ethnique ou une condition sexuelle ou genrée ? Toute la complexité de ces séries réside dans la difficile considération du Latinx, soit comme un simple ‘token’, c'est-à-dire un personnage inclus uniquement pour représenter la diversité, soit comme un personnage de premier plan. En filigrane se pose la question des types ou archétypes dans les séries, un thème récurrent dans tout le volume, tout comme celui des clichés. La portée politique de la représentativité conduit aussi à une revendication d’existence, qui tend à dénoncer que certains types de personnages étaient autrefois condamnés à disparaître plus rapidement que d’autres. À la suite de la série Pose (2018-2021), nous explique l’article, il n’est plus question d’occulter les différences, mais bien de les montrer pour les reconnaître et participer à leur acceptation.
L’article de Pauline Coeuret intitulé « Les représentations des femmes autochtones dans les telenovelas mexicaines : violence des représentations fictionnelles et fictionnalisation de la violence (2010-2015) » offre un jalon dans une lecture socioculturelle et politique des séries comme révélatrices de la société. La jalousie entre femmes de différentes conditions sociales et la violence à la fois machiste et patriarcale s’expriment de manière explicite, mettant en lumière un ensemble de préjugés et d’idées reçues, sur lesquels repose la représentation. L’intersectionnalité, proche de celle se trouvant dans l’article précédent, est au cœur de la problématique, les personnages féminins des communautés autochtones subissant diverses formes de violence, y compris sexuelle, menant parfois au féminicide. Ainsi, les ressorts de l’intrigue – l’amour mais aussi la vengeance – mettent en scène des caractères stéréotypés, avec une opposition marquée et relativement manichéenne entre les héros et leurs antagonistes. L’image rurale et folklorique, souvent dégradante, tend à une animalisation, une érotisation, voire à une hypersexualisation des femmes autochtones, particulièrement réductrices lorsque ces rôles féminins sont joués à l’écran par des femmes blanches grimées. La réussite sociale est généralement associée à une masculinité positive, celle du sauveur ou du prince charmant, perpétuant les stéréotypes, alors qu’une prise de conscience et une sensibilisation sont essentielles pour appréhender pleinement le cadre hétéronormé, les tabous et le statut de victime d’une frange de la population toujours vulnérable dans la société mexicaine actuelle.
Le cas du grimage de femmes blanches résonne dans les phénomènes parallèles perçus dans les deux articles précédents. En effet, Janice Argaillot signale que les actrices de la série One day at a time ne sont pas cubaines ; elles interprètent un rôle selon un scénario et des projections de clichés. Alexandre Adouard met, pour sa part, en évidence le phénomène inverse appelé whitewashing, destiné à gommer la latinité de certains personnages. Les sociétés états-unienne et mexicaine montrent ainsi dans leurs séries l’importance de l’apparence et la tension entre être soi, en tant que marginal ou exclu de la société, ou devenir un autre dans un jeu de rôles, une question d’identité qui traverse le présent numéro thématique.
Finalement, ce questionnement autour des représentations dans les séries télévisées démontre que ce medium permet de donner à voir ‘autrement’. Ce faisant, les représentations sont plus complexes qu’il n’y paraît. Grâce à elles, les différences culturelles, ethniques ou sociales sont acceptées et ont droit de cité. La reconnaissance légitime de la diversité culturelle, d’opinions et de coutumes est le résultat le plus didactique du petit écran, du téléphone à la télévision. Au terme de ce parcours du volume thématique, il est remarquable que des séries grand public puissent receler une telle portée pédagogique. Un pur produit commercial dans des médias de masse (Laugier 2019) peut ainsi aboutir à une fiction qui diffuse certaines réalités culturelles, bien que souvent déformées ou caricaturales, et qui dénonce les clichés en s’en jouant.
Au-delà des stéréotypes et des préjugés, la série accorde un rôle prépondérant aux autres, étrangers, minorités visibles ou invisibles, ainsi qu’à la question de la famille ou de la communauté, face à une idéologie, une manière de vivre ou de faire. Elle permet de ce fait de reconstruire un monde dans toute sa diversité linguistique et culturelle, tout en interrogeant implicitement le soi, placé en miroir, sur sa propre culture et son identité. Cette approche des séries télévisées met en évidence des enjeux socioculturels, puisque les plateformes de vidéo en ligne ouvrent sur un immense univers visuel, international et multilingue, à l’accès tout à fait inédit. Les langues et cultures étrangères sont à la portée de chacun aujourd’hui, ce qui permet aux personnes curieuses, intéressées par de nouveaux horizons ou par des intrigues différentes, de découvrir des mondes originaux, étrangers à leur culture. Cela est d’ailleurs aussi valable pour d’autres aires culturelles, comme l’Asie, avec des séries permettant de découvrir les réalités de pays tels que la Corée du Sud ou le Japon. Comme les spécialistes des problématiques hispaniques de ce volume le prouvent, celles qui concernent l’Espagne et l’Amérique sont extrêmement variées et dépendent fortement de l’espace et de l’ancrage dans une Histoire, celle de l’exil, de la domination, de revendications ou des relations entre les peuples et les pays, dépassant l’histoire anecdotique.
En fin de compte, la culture populaire se trouvant dans les séries télévisées vient compléter les représentations de la culture savante dont elle s’inspire parfois, en offrant un divertissement. Mais il s’agit d’un divertissement aux prolongements souvent éthiques, politiques, voire militants, dénonçant tout en amusant. De facto, le populaire diversifie les représentations dans l’espace fictionnel des séries. La télévision sort de l’invisibilité des personnes, des problématiques et des cultures. Les émotions en jeu dans les séries et l’identification des téléspectateurs dépendent de ces représentations nouvelles, subversives ou burlesques.
Les séries télévisées sont une source d’innovation et d’expérimentation à l’exceptionnelle richesse culturelle et linguistique. La fonction éducative de la télévision lui confère un rôle classique de passeur de savoirs et d’illustration de certaines idées, parfois abstraites, comme l’intersectionnalité. En cela, elle joue aussi un rôle politique, dans la mesure où les séries rendent conscients les téléspectateurs de certaines réalités sociales et culturelles. Le genre sériel tend ainsi à remplacer aujourd’hui d’autres genres plus ‘nobles’, issus de la littérature, du cinéma ou du documentaire. Son esthétique visant à plaire et à susciter la curiosité s’épanouit de plus en plus librement. Deux genres en particulier semblent manifestement promis à un bel avenir, d’une part, le mélodrame sans cesse renouvelé, avec ses accents d’amour et de violence, souvent entrelacés, et, d’autre part, le thriller et le policier, porteurs d’une résonance sociale et sociétale issue du roman noir. Comme média de masse, la télévision partage aussi certains traits avec la presse, la bande dessinée ou le roman graphique qui renvoient à d’autres formes de représentations populaires. Mais laissons cette fin ouverte, à la manière d’un cliffhanger, quand le personnage suspendu à une falaise est prêt à tomber, et invitons le lecteur et téléspectateur à découvrir ce florilège d’articles autour de la culture hispanique dans les séries.